AFRICONNECT ET AFROCENTRICITY THINK TANK
Journaliste : Mme Samantha RAMSAMY (SR)
Invités :
- M. Zakaria FELLAH, Consultant international, Ancien fonctionnaire des Nations Unies, chargé des relations intergouvernementales
- Dr. Yves Ekoué AMAÏZO, ancien fonctionnaire d’une agence spécialisée des Nations Unies, économiste et Directeur de Afrocentricity Think Tank, un groupe de réflexion et d’action, www.afrocentricity.info.
Emission : AfricaConnect
Date : 9 juin 2023, mise en ligne le 22 juin 2023.
Débat et Podcast :
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https://francais.rt.com/magazines/africonnect/105986-onu-conseil-securite-pourquoi-afrique
Participation au débat : Contribution écrite du Dr. Yves Ekoué AMAÏZO (YEA)
1. SR. Nous savons qu’il y a cinq membres permanents du Conseil de Sécurité : Chine – Etats-Unis – Russie France – Royaume Uni. 10 membres non-permanents avec un mandat de deux ans. 10 membres élus par l’Assemblée générale dont 3 pays africains : le Gabon, le Ghana et le Mozambique. Alors, comment expliquer l’absence de l’Afrique à la table permanente des grands de ce monde ? L’Afrique a-t-elle sa place au Conseil de sécurité de l’Onu
YEA. Merci pour l’invitation et bonjour à mon co-débatteur et aux téléspectateurs. L’absence de l’Afrique s’explique par le fait qu’en 1945, les pays africains souverains n’existaient pas. Les pays africains indépendants comme l’Egypte, l’Ethiopie, le Libéria, et Maurice n’ont pas eu voix au chapitre. L’Afrique du sud, adepte du racisme anti-noir, ne pouvait pas défendre une Afrique noire souveraine. Les pays africains étant à cette époque des colonies, ce sont les pays colonisateurs ou impérialistes, souvent ceux qui se sont déclarés vainqueurs de la seconde guerre mondiale, qui parlaient à leur place.
2. SR. Je vous propose d’entendre cette intervention à La Tribune de l’ONU en septembre 2022 lors de la 77e session de l’assemblée générale des Nations Unis. Allocution d’Awatif Altidjani Ahmed Koiboro qui était à l’époque, secrétaire d’État tchadienne aux affaires étrangères, poste qu’elle a quitté en octobre 2022. Cette intervention de la secrétaire d’état tchadienne en poste en septembre 2022 avait fait grand bruit au Tchad notamment, elle avait dénoncé une injustice historique et finalement le « bla bla » onusien sur ce dossier ?
YEA. Ce que vous appelez le « bla-bla » ou la déception de plusieurs dirigeants africains sur la réforme des Nations Unies et une meilleure place réservée à l’Afrique est la conséquence d’un rapport de force, mais aussi la sous-estimation des dirigeants africains sur leur gouvernance, l’impact sur leur crédibilité et surtout leur manque d’unité effective, sous la forme du développement d’une capacité de nuisance pour défendre leur souveraineté collective. Sans la capacité de nuisance que constitue la bombe atomique, un pays comme la France, ne pourrait pas tenir tête aux Etats-Unis son allié… Les pays comme la Corée du Nord, l’Iran ou Israël l’on compris. La réforme des Nations Unies est devenue un processus de l’éternel recommencement des discussions sur des nouvelles bases.
Déjà en 1945, les pays comme l’Egypte, l’Ethiopie, le Libéria avaient plaidé pour que les intérêts des petites nations soient reconnus et protégés par le nouveau droit international de la Charte des Nations Unies. L’Union d’Afrique du sud, aussi présente, adepte de la discrimination raciale envers le Peuple noir puis de l’Apartheid comme mode de gouvernance du « vivre ensemble », a cru nécessaire d’insister qu’une déclaration des droits de l’homme, vraisemblablement blanche, soit incluse dans une Charte des Nations Unies, orientée vers la prévention de la guerre.
La Charte a été signée à San Francisco le 26 juin 1945 et est entrée en vigueur le 24 octobre 1945.
Aucun des pays africains représentés à San Francisco en 1945 n’avait songé à inscrire l’autodétermination des peuples colonisés dans leur revendication. Toutefois, le droit des Nations Unies contenu dans la Charte de 1945 a ouvert la voie dans les articles 11, 12, et 13 (de l’époque) à la décolonisation[1], ce qui à l’époque n’était synonyme ni d’indépendance, ni de souveraineté. Le « bla-bla » onusien consistait à émettre un droit ou une « résolution » que les pays ayant un droit de véto, membres du Conseil de Sécurité, peuvent 1/ rejeter, 2/ contourner ou 3/ bafouer. En 2023, cette situation n’a pas changé d’un iota. La Charte des Nations Unies[2] a évolué, le Conseil de sécurité n’a pas suivi.
3. SR. Si la voie de l’Afrique est très peu entendue c’est peut-être aussi qu’on ne souhaite pas sciemment l’entendre ? Exemple le cas de la Libye : les appels de l’Union africaine à ne pas intervenir, ses médiations auprès de Kadhafi n’ont jamais pesé au niveau international ? L’intervention militaire en Libye et la voix de l’Union africaine notamment à travers celle de Jean Ping, ancien Président de la Commission de l’Union africaine…
YEA. En fait, vous avez raison de dire que les grandes puissances siégeant au conseil de Sécurité des Nations Unies ne souhaitent pas que la voix des 56 pays africains compte pour la défense des intérêts du Peuple africain et de l’Afrique. Paradoxalement, ces voix sont de manière circonstancielle très utiles pour certaines puissances moyennes, dont la France par exemple. Mais entre d’une part, ne pas souhaiter que les voix africaines comptent, et d’autre part, influencer par le « hard » ou « soft » power les dirigeants africains, la voix africaine est systématiquement marginalisée, pour ne pas dire exclue au Conseil de Sécurité.
Cela se décline souvent dans la pratique par de l’endettement, des spoliations des propriétés collectives des Africains, des élections manipulées, des alignements sur des politiques anti-Peuple africain qui imposent de donner la priorité aux intérêts étrangers. Tout ceci conduit à des formes subtiles de déstabilisation par l’appauvrissement, des inégalités criantes, de la corruption institutionnalisée, du terrorisme ciblé, des guerres civiles, voire la scission de territoires africains du fait des ventes d’armes directes ou indirectes par les dirigeants des puissances membres du Conseil de sécurité. Dans le cas de la vente d’armes et d’instruments de destruction massive, il s’agit souvent du premier ou du second poste budgétaire permettant de faire rentrer des recettes substantielles pour chacun des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité. L’objectif recherché est de tout faire pour que l’Afrique n’émerge pas pour imposer sa souveraineté collective et promeuve sa vision du panafricanisme, que ce soit dans un monde unipolaire ou dans un monde multipolaire.
4. SR. En référence à la présentation des opérations dites de paix de l’ONU en Afrique, que ce soit Minusma au Mali ou Monusco en République Démocratique du Congo ou même les opérations du Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR), il faut bien se rendre compte que le paradoxe du continent africain réside dans le fait qu’il constitue le principal théâtre d’intervention des missions de paix onusiennes, des missions humanitaires onusiennes, c’est un continent courtisé. Le Ministre des Affaires étrangères malien interpelle directement le Secrétaire général de l’ONU. Cela concerne une saisine par le Mali du conseil de sécurité le 15 août 2022. A votre avis comment ce dialogue franc et direct s’apprécie dans les arcanes de l’ONU ? Par ailleurs, je souhaiterais recueillir vos commentaires sur l’intervention malienne en octobre 2022 au Conseil de sécurité onusien ?
YEA. Vous présentez le sujet comme un constat que je partage. En réalité, il faudrait aussi proposer de faire le bilan de l’ONU, de son fonctionnement politiquement orienté, de ses injustices en termes de promotion de l’impuissance, ce qui n’est pas toujours la « faute » du manque de volonté politique des Etats-membres. Mais il y a aussi une fonction qui relève de la neutralité coupable que recouvrent les opérations de paix dont la direction aux Nations Unies est occupée depuis plusieurs décennies uniquement par la France et des français. Le poste de Secrétaire général adjoint aux opérations de paix est actuellement occupé par M. Jean-Pierre François Renaud Lacroix qui a succédé à un français.
A votre question, est-ce que l’ONU s’impose en Afrique ? La réponse est non. Il faut toujours une requête officielle d’un Etat pour que l’ONU puisse se déployer. Il est vrai que les dirigeants africains subissent d’énormes pressions. C’est à ce titre que la responsabilité des dirigeants africains est engagée, surtout que ces derniers se gardent bien de rendre des comptes à leurs populations respectives sur le coût-bénéfice ou le coût-avantage de la présence de l’ONU en Afrique.
En effet, il y a comme une sorte de raccourci et une incompréhension sur les termes de référence des missions de l’ONU. Il est vrai que l’Organisation des Nations Unies ne fait pas la guerre, mais elle ne sait pas maintenir la paix, voire favorise au mieux un statu quo, au pire, légitime une situation de fait favorisant généralement un « agresseur ».
La réalité est que l’ONU ne dispose pas des moyens adéquats, notamment financiers, du fait des calculs d’intérêts des Etats-membres, plus particulièrement les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité. L’ONU tente de stabiliser des positions et de parer au plus pressé, notamment du point de vue humanitaire. Mais ce faisant, elle prend parti pour le statu quo, voire parfois contribue à empirer la situation comme en RDC où une solution – qui ne sera pas la paix – devient quasiment impossible sans le départ de la mission de l’ONU.
Pour ce qui est des missions humanitaires en Afrique, il faudra que vous posiez la question aux responsables des agences de l’ONU compétentes pour savoir d’où viennent les financements destinés à acquérir des stocks de nourriture, de tentes, de véhicules, de médicaments, mais aussi parfois d’armes ou de vaccins, avec ou sans l’aval des Etats africains. Les camps de l’ONU sont devenus de véritables repères pour agglomérer des populations de plus en plus vulnérables et devenues des cibles, que ce soit à l’extérieur du camp, et de plus en plus, à l’intérieur du camp. Pour ce qui est de l’administration de vaccins ou de médicaments, de nourriture, à côté des images véhiculées par les médias, il faut bien reconnaître que la réalité est que de nombreuses personnes « aidées » sont souvent condamnées à moyen terme, à une mort prématurée et lente compte tenu du principe même de l’intervention ciblée qui en définitive, augmente la vulnérabilité et surtout la perte d’autonomie des personnes « aidées », notamment dans les zones de conflits armés.
Bref, paradoxalement, l’ONU semble contribuer à distribuer les « excédents » de produits obtenus principalement des cinq membres permanents du Conseil de sécurité qui en profitent pour faire sortir des sommes importantes de leurs budgets nationaux respectifs. Autrement dit, ce « business » car il s’agit d’un business est fondé sur un modèle économique qui permet d’utiliser l’argent des contribuables à des fins de soutien de la production de biens dans les pays créanciers et/ou fournisseurs de biens manufacturés à l’Afrique.
Sur l’intervention du Mali au Conseil de sécurité, il faut savoir que pour qu’une question soit discutée, encore faut-il la rédiger. Mais, la France s’est arrogée discrètement le droit de formuler les questions pour la plupart des pays francophones et surtout tous les membres du conseil de sécurité peuvent choisir de faire passer les sujets de l’Afrique, surtout si cela n’arrange pas leurs intérêts, en dossiers non urgents. La saisine du Conseil de Sécurité a été faite par la France au nom du Mali… De ce fait, il ne faut pas s’étonner que le Mali ait souhaité rétablir la vérité et sa souveraineté en annonçant que nul autre que le Mali n’a le droit de proposer des textes au Conseil de Sécurité en son nom…
5. SR. Sur la question de la réforme du conseil de sécurité, l’un de mes invités, Mr. Zakaria en préparant cette émission a partagé une anecdote assez drôle pour ne pas dire ironique à propos du comité sur la réforme du conseil de sécurité : en coulisse vous ne disiez pas « the open ended Committee on the reform of the Security Council » (« le Comité à durée illimitée sur la réforme du Conseil de sécurité ») mais « the never ended Committee on the reform of the Security Council » (« le Comité sans fin sur la réforme du Conseil de sécurité ») Qu’en pensez-vous ? Quels sont les points de blocage ?
YEA. Les principaux obstacles sont multiples. Oui, c’est un serpent de mer qui fait que de « comité » en « comité », la réforme des Nations Unies est devenue une impossible réforme. Le problème est qu’une crise de confiance s’est installée au niveau du Conseil de sécurité suite à un non-respect et des interprétations selon l’OTAN des résolutions. Les cas de la Libye et de la Côte d’Ivoire sont patents.
Mais, je suggère de regrouper les points de blocage en sept grandes catégories :
- La représentativité des Etats pour que le Conseil de Sécurité reflète le mieux la représentativité des peuples, des nations et des continents ». Or, le système actuel datant de 1945 repose en fait sur les vestiges du partage de l’Afrique en 1885, à la Conférence de Berlin avec le paradoxe que l’Allemagne ayant perdu la guerre ne siège pas au Conseil de Sécurité et ne peut organiser sa « défense offensive » sans l’aval des cinq (5) membres permanents du Conseil de Sécurité. La Chine n’ayant pas participé au partage de l’Afrique, pourrait devenir un point d’ancrage pour un contre-pouvoir alternatif au Conseil de Sécurité, à moins que le G7 ne revienne à la raison en acceptant une formule équilibrée et juste de la représentativité des blocs régionaux et moins les Etats. Cela aura l’avantage de « forcer » à des consensus en amont et devrait éviter le clientélisme fondé sur les pressions des lobbies et le « soft power » des grandes puissances militaires.
- Le renforcement de l’Assemblée générale organisée sur une base de grands blocs régionaux avec un pouvoir accru par la subsidiarité et de délégation verticale du pouvoir du Conseil de sécurité : L’hypocrisie sur le pouvoir réel de l’Assemblée générale pourrait alors disparaître. En effet, le poids des Etats dans cette Assemblée mondiale repose sur : un Etat égale une voix. Sauf qu’en réalité, la plupart des Etats sont fondus dans la voix d’un membre disposant d’un droit de véto au Conseil de Sécurité. L’Assemblée générale des Nations Unies n’est en fait qu’une caisse de résonnance des Etats et moins des Peuples. En effet, les dirigeants du monde, dictatoriaux ou pas, démocratiques ou pas, peuvent s’exprimer. Cependant, le poids de cette voix est équivalent à celui de l’air brassé et légitime les régimes issus de la contre-vérités des urnes en Afrique.
Au demeurant, l’Algérie, le Guyana, la République de Corée, la Sierra Leone et la Slovénie rejoindront l’organe principal de maintien de la paix et de la sécurité internationales à partir de janvier 2024, pour une période de deux ans pour les cinq sièges non permanents qui deviendront vacants à la fin de l’année[3] au Conseil de sécurité. Une simple rotation qui permet d’effriter les voix des pays sans influences militaire et économique. Mais le véritable défi est que de nombreux dirigeants africains, en voulant défendre en priorité leur intérêts nationaux, sacrifient, voire trahissent souvent la cause collective des Peuples africains et en fait de l’Afrique panafricaine.
- La réforme du droit de veto pour un Conseil de sécurité d’une plus grande inclusivité, donc pour une meilleure représentativité des peuples. En cela, il s’agit d’avancer vers plus d’équité et vers plus de responsabilité… Or si une grande majorité des pays membres de l’ONU semble aller dans ce sens sauf officiellement les Etats-Unis, Israël, la plupart des cinq pays membres souhaiteraient en fait préserver leur position en devenant les avocats des pays non représentés, ou mal représentés… Paradoxalement, cela permet d’augmenter le poids et l’influence du pays faisant office de l’avocat qui ne gagne pas souvent face à un droit de véto omniprésent… Ainsi, le non-alignement ne fonctionne pas au Conseil de Sécurité. Aussi, la proposition qui est sur la table actuellement a peu de chance de prospérer. Elle repose sur la volonté des pays sans capacité d’influence réelle de « stopper l’utilisation abusive du Véto » en exigeant que les principaux textes du Conseil de Sécurité soient soumis comme une proposition devant l’Assemblée générale qui servirait de contre-poids, et qui si l’on se prend à rêver pourrait graduellement remplacer le Conseil de sécurité. Ces deux propositions même si elles devaient prospérer, ne changeraient pas grand-chose au rapport de forces et l’utilisation de la soft power par les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité. Une des conditions indispensables pour espérer obtenir des résultats probants rapidement repose d’abord sur la réforme des membres de l’Assemblée générale afin de s’assurer que les représentants peuvent, en tant qu’État ou Région, décider en lieu et place, voire, au nom du Conseil de Sécurité.
- Le Conseil de Sécurité ne fonctionne plus comme un garde-fou[4]. Malheureusement, si officiellement, il aurait dû protéger les populations civiles, limiter les conflits, prévenir et sanctionner les abus d’utilisation de la contre-vérités des urnes et les velléités anti-démocratiques des chefs d’Etat en Afrique, la réalité est qu’il ne sert au mieux que d’alibi, et au pire, d’accompagnement des atteintes aux valeurs africaines et universelles de vérité, justice et de solidarité…. Le cas de la République Démocratique du Congo montre l’étendue de l’impuissance de l’ONU, ce qui n’exclut en rien ses responsabilités propres, voire ses fautes commises en tant qu’ONU.
En matière de démocratie, chaque fois que l’ONU est intervenue en Afrique après la période coloniale, que ce soit au cours des deux dernières décennies notamment au Kenya, en Côte d’Ivoire ou indirectement au Togo en 2005, le candidat-président qui est sorti des urnes est celui qui a accepté de faire le plus de concessions aux membres disposant du pouvoir de véto au Conseil de sécurité. Il s’agit plus particulièrement des pays membres du Conseil de Sécurité qui, par le soft power, promeuvent la servitude volontaire. On peut se rappeler la décision prise par le conseil de sécurité pour « empêcher » le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi de massacrer ses oppositions de Misrata et de Benghazi… Or, la mise en pratique de cette résolution a été outrepassée par les pays de l’OTAN. Le résultat aujourd’hui est le manque de confiance au sein du conseil de sécurité et une déstabilisation de la Libye accompagnée d’une dispersion des forces terroristes dans le Sahel et au-delà. Feu Koffi Annan, alors Secrétaire général de l’ONU, avait proposé de suspendre le « droit de Véto ». Mais cela n’est jamais entré en application[5].
- Les conditions de renforcement de la sécurité collective dans les pays membres de l’ONU, dite « opération de maintien de la paix » avec comme termes de référence offensive des « casques bleus ». Il s’agit principalement d’enlever ce poste de Secrétaire général adjoint en charge des opérations de la paix » à la France qui y siège en situation de monopole sans partage depuis plusieurs décennies, pour qu’une vision alternative puisse émerger[6]. La décentralisation de la fonction au niveau des instances sous-régionales serait une piste de réflexion qui pourrait obtenir un large consensus.
- La réforme des agences spécialisées de l’ONU ou leur transformation pour éviter les redondances et le non-respect des mandats assignés. Mais il s’agit surtout de combattre le gaspillage de ressources puisque certaines de ces organisations ne servent plus que de maison de retraite dorée pour des politiciens africains en mal de positionnement politique ou justement, de tremplins pour leur carrière à l’ONU, paradoxalement au service des intérêts étrangers. Par ailleurs, la spécialisation sectorielle n’a plus aucun sens aujourd’hui dans une approche basée sur les chaines de valeurs. Aussi, on ne peut séparer le développement, le commerce, l’industrie, le travail et la santé, et l’environnement pour ne prendre que ces exemples : le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement), l’OMC (Organisation mondiale du commerce), la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’Agriculture et l’Alimentation), l’ONUDI (Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel), l’OIT (Organisation International du Travail), l’OMS (Organisation mondiale de la santé), le PNUE (Programme des Nations Unies pour l’Environnement), doivent se fondre en une seule structure et se spécialiser sur une base de grands ensembles régionaux. Mais, est-ce que le Conseil de sécurité est même prêt à écouter des propositions alternatives provenant de la société civile qui pourraient améliorer l’efficacité de l’ONU ? Est-ce que le Conseil de Sécurité peut faire le bilan des résolutions adoptées et non-appliquées ou mal-exécutées en expliquant la provenance des fonds et financements engagés ainsi que la destination réelle des affectations aux contribuables la destination des fonds ? Un sujet tabou ! Un début d’exécution sur la base d’une volonté politique suppose aussi que de nombreux fonctionnaires-contractualisés et conservateurs, – surtout les pantouflards requalifiés d’« amortis » dans le jargon onusien -, devront trouver d’autres postes d’affectation. Les « carriéristes » et « opportunistes » africains ne s’en réjouiront peut-être pas ! Mais, elles ou ils ne pourront plus cacher les intérêts étrangers qu’ils défendent face à ce que réclame la grande majorité du Peuple africain, la nouvelle génération en particulier à savoir : l’urgence et l’exigence du retour à la souveraineté des Africains chez eux en Afrique.
- La transparence sur la provenance des fonds extrabudgétaires accordés à l’ONU et à ses agences spécialisées et l’impact sur la capacité de l’ONU à prendre des décisions en toute indépendance et en faveur de la plus grande majorité des peuples sur la terre.
6. SR. L’Union africaine avait demandé le droit de véto et n’avait pas eu gain de cause, pour quelles raisons ?
YEA. Il faut savoir que plus de 83 % du budget de l’Union africaine provient de l’Union européenne et non des chefs d’Etat africains. Cela fait plus de 10 ans que les Chefs d’Etat africains refusent d’adopter et de mettre en œuvre un projet de taxe communautaire automatique sur l’importation des produits de luxe et sur une taxe à l’exportation sur les matières premières non transformées en Afrique. Cet impôt de souveraineté aurait permis d’avoir des ressources pérennes et d’assurer ainsi au moins partiellement la souveraineté collective. Alors, que peut exiger une entité comme l’Union africaine ou les Commissions économiques régionales sans démocratie et qui ne se prennent pas au sérieux au niveau continental ? Comment les chefs d’Etat africains pourraient-ils avoir un poids et rôle à l’ONU en tant qu’Africains ? Dans la mesure où ils se comportent souvent comme des « voix » alignées sur telle ou telle puissance mondiale siégeant au conseil de sécurité.
Par ailleurs, où sont les forces et la défense militaires africaines ? Où est la monnaie commune africaine ? Quel est le niveau de capacité d’influence des pays africains pris individuellement, et pris collectivement ? Presque égal à zéro !!!
Pourquoi de nombreux dirigeants africains décident-ils de donner la priorité à des intérêts étrangers et mystifient leur population sur leur intention réelle, à savoir s’éterniser au pouvoir dans tous les cas de figure ? Malgré cela, le Peuple africain sort progressivement de sa léthargie et sa naïveté. En prenant appui sur les réseaux sociaux, et des personnalités indépendantes ici et là, les activistes panafricains et la Diaspora africaine conscientisent énormément la grande partie des populations rurales. Le Peuple africain commence à comprendre que certains dirigeants au pouvoir comme dans l’opposition ne défendent pas l’intérêt collectif du Peuple, mais uniquement leur intérêt individuel pour un statu quo… C’est la définition d’une démocratie non pas étouffée, mais d’une démocratie « conviviale » dans un réseau clientéliste, souvent ésotérique, composé de personnes physiques et morales, de militaires et des civils, qui se doivent assistance mutuelle et doivent nécessairement exclure celles et ceux qui ne sont pas cooptés par le groupe.
7. SR. Les puissances nucléaires que sont la Chine les Etats-Unis et la Russie, sont-ils pour ou contre le droit de véto ?
YEA. Personne ne peut et ne veut se faire « hara-kiri ». Tous les membres du Conseil de Sécurité sont pour le maintien du droit de véto. Mais il y a des pays qui soutiennent les efforts de souveraineté des pays à capacité d’influence faible[7]. En réalité, le problème n’est pas tant le droit de véto, c’est son utilisation abusive qui pose problème. La difficulté est que tout le système de l’ONU et son personnel politique et non-neutre sont en déphasage avec le monde d’aujourd’hui. Ce n’est pas pour rien que de nombreux pays dont la Chine et la Russie cherchent non pas à réformer le Conseil de Sécurité, mais à créer un autre espace de dialogue sans le G7 et ses alliés. L’association des pays du BRICS Plus (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du sud, avec 13 pays en instance de rejoindre cette organisation) pourrait avec son poids dans l’économie mondiale émerger d’ici quelques années comme une alternative crédible à ceux qui continuent de défendre le Consensus de Washington comme une doctrine génératrice d’inégalités.
Je rappelle que la France est une puissance nucléaire et qu’à ce titre, elle n’a jamais plaidé contre le droit de véto, au contraire. C’est son instrument de dissuasion, un euphémisme pour ne pas parler de sa capacité de nuisance. Or, c’est cette capacité de nuisance que les pays africains devront contribuer à faire émerger sous d’autres formes.
Quand on utilise l’article 49.3 de la Constitution française pour faire passer en force et sans vote final des députés du parlement français un texte de réforme du régime des retraites que le Peuple français dans sa grande majorité rejette en l’état, on ne peut qu’être un adepte du droit de véto. L’article 49.3 de la Constitution française est l’équivalent d’un droit de véto unilatéral à la française. Le Peuple français commence à comprendre que cette disposition de la Constitution française l’éloigne un peu plus de la démocratie et le rapproche de plus en plus de la démocrature en vigueur dans certains pays africains, notamment ceux que soutient la France. Faut-il rappeler les pays, à savoir le Tchad, le Togo, le Congo, le Gabon par exemple, où la tutelle condescendante directe ou indirecte de la France n’a pas fait avancer la démocratie, celle de la vérité des urnes ?
8. SR. L’Union africaine a monté un groupe dans le but toujours d’obtenir deux sièges : il s’agit du C 10 le comité des 10 chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine sur la réforme du Conseil de sécurité : Algérie – Sierra Leone – Namibie – Libye – Sénégal – Kenya – Ouganda – Guinée équatoriale Zambie – Congo. S’agissant de la stratégie africaine, fait-elle le poids ou s’agit-il de la poudre aux yeux ?
YEA : L’Afrique ne fait pas le poids. Il faut une puissance militaire et une puissance économique pour avoir du poids. Est-ce de la poudre aux yeux ? Non, plus ! Les Chefs d’Etat estiment qu’en l’absence de puissance, ils peuvent collectivement négocier et obtenir la « moins pire » des solutions qui consisterait à avoir entre 1 et 5 représentants africains au Conseil de Sécurité, mais que le représentant africain (un ou cinq) ne voterait qu’en fonction des indications de son maître, qu’il soit occidental ou asiatique ou même provenant du Moyen-Orient. Bref, la démarche des chefs d’Etat africains pourrait être comprise comme la volonté d’assurer un minimum de souveraineté. Mais de quelle souveraineté veulent-ils parler quand pour la plupart, ces chefs d’Etat ont cédé sans contrepartie tangible pour leurs peuples, des pans entiers de leurs sols, sous-sols et richesses naturelles à des transnationales appartenant en majorité à l’un ou l’autre des membres du Conseil de sécurité ?
9. SR. Le continent africain est-il aligné ou uni sur cette question de la représentation africaine ? Lorsqu’on entend le Président Abdel Fattah Al Sissi d’Egypte ou celui d’Afrique du Sud, Matamela Cyril Ramaphosa, le discours est clair qu’il faut au moins une représentation africaine au Conseil de sécurité.
YEA. Oui, a priori le discours semble clair. Mais l’examen de la réalité sur le terrain tend à le faire paraître comme contradictoire. Pour ce qui est de l’Afrique du Sud de l’après-Apartheid, c’est le seul pays qui a compris, depuis l’époque ou Nelson Mandela a pu se hisser au pouvoir, que l’avenir de l’Afrique passe par des alliances en dehors du club de l’OTAN. Le choix de devenir un membre fondateur des BRICS est donc bien stratégique. Cela se traduit par une plus grande indépendance de l’Afrique du sud lorsqu’elle est appelée à siéger au Conseil de Sécurité comme membre non permanent. Si l’Allemagne ou le Japon qui tous deux demandent à siéger au Conseil de sécurité avec un droit de véto se voient opposer justement un droit de véto par les autres membres du Conseil de sécurité, dont principalement la France, imaginez la quasi « mission impossible » pour l’Afrique, ou à minima comme seule issue envisageable, la mission d’acceptation assortie des conditionnalités néocoloniales.
La réforme de l’Organisation des Nations Unies, et le besoin pour l’Afrique d’être un membre permanent disposant d’un droit de véto est un véritable serpent de mer. De nombreux pays africains ont commencé à réfléchir à l’alternative qui leur est offerte d’entrer et de devenir l’un des membres des BRICS à partir des nouveaux critères d’adhésion. Les nouveaux membres éligibles devraient être connus d’ici décembre 2023. A ce titre, le sujet n’est plus de savoir si les BRICS Plus auront leur Conseil de sécurité avec leur gouvernance propre[8], mais quand est-ce que cela sera officialisé au grand jour.
10. SR. Quelles sont les chances pour l’Afrique d’entrer dans le concert des Nations permanentes au Conseil de sécurité onusien ? Est-ce que l’Afrique doit siéger au Conseil de sécurité ou construire une alternative ? Si oui, est-ce au sein du G20, ou des BRICS ?
YEA. En fait, les chances pour l’Afrique de devenir un membre permanent du Conseil de Sécurité pourraient se résoudre rapidement si l’on en croit les anciennes puissances coloniales siégeant au Conseil de Sécurité. Il suffit pour ces « maîtres du monde » que le ou les représentants de l’Afrique acceptent une forme de servitude volontaire, qui n’engage pas la responsabilité des cinq membres permanents du conseil de sécurité. Or, ce n’est pas ce que souhaite le Peuple africain, même si certains chefs d’Etat ne trouvent pas d’objections à s’aligner sur le monde ésotérique mondial qui contrôle indirectement l’ONU.
La solution ne peut pas passer par le G20 car cette entité est une tentative du G7, justement, pour empêcher la création d’une entité africaine, voire panafricaine homogène, qui pourrait contester l’hégémonie d’un monde unipolaire que soutient le G7 afin d’assurer sa propre survie et une domination en mode décroissant.
Aussi, la réforme des Nations Unies ne pourra pas se faire avec le G20 sauf si on a affaire à des dirigeants africains dits « peau noire, masque blanc » qui optent pour le deal suivant : « servitude volontaire » contre « maintien au pouvoir en Afrique » y compris dans le non-respect de l’Etat de droit, dans la violence et dans le chaos.
Pour autant, une des solutions temporaires et tactiques consiste à passer des alliances avec les pays membres du BRICS, et plus largement des alliances avec l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), sous contrôle de la Chine, la grande puissance émergente soucieuse de sa souveraineté et de celle des autres. En effet, s’allier même pour une période temporaire à ceux qui font « peur » à l’Occident impérial ne peut qu’aider à des réajustements des comportements. Le respect mutuel et la dignité des Africains devraient pouvoir sortir vainqueurs de l’opération. La propension à croire que seul le monde occidental peut déterminer l’avenir du monde quittera l’espace de la certitude pour migrer vers celui du doute.
Créée en 2001, l’OCS comprend huit pays : la Chine, l’Inde, le Pakistan, la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan. L’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) a le potentiel de devenir une version alternative et réduite[9] de l’ONU sans les pays occidentaux membres de l’OTAN et alliés des Etats-Unis. Avec l’élargissement à l’ordre du jour, avec les BRICS qui sont en train de s’élargir avec des pays qui vont rejoindre les BRICS mais aussi des pays qui seront des alliés du BRICS dans le cadre de l’Alliance des BRICS, il semble que leur point commun est de dresser le constat du bilan mitigé, voire négatif, laissé par le G7 et l’OTAN en Afrique.
Pour tous ceux qui prônent le non-alignement, le renforcement de la coopération Sud-Sud, du Groupe des 77[10], devrait permettre d’évoluer vers une forme de « mini-Organisation des Nations unies d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine ». Il est déjà question de créer un Conseil de sécurité, une Assemblée générale, une force de maintien de la paix, une banque des BRICS, une monnaie commune adossée à l’or, et il restera à mettre en place un Fonds monétaire des BRICS, qui existe de fait, grâce à la volonté politique et la capacité de la Chine à renflouer tous Etats membres en qualité de payeur en dernier ressort… Sauf que les taux d’intérêts peuvent se révéler usuriers et les contrats léonins ! Le problème majeur est que la Chine se refuse de faire de l’ingérence dans les affaires africaines. Elle peine à condamner la corruption, les maintiens au pouvoir d’autocrates anti-démocratiques. En définitive, la question peut se poser de savoir si elle ne sert pas d’abord que ses propres intérêts en ne créant que peu d’emplois locaux pour les Africains et en transférant juste le minimum en termes de technologies et savoir-faire.
Concrètement, le 24 novembre 2022, la présidente russe de l’Alliance des BRICS regroupant cinq grandes économies émergentes mondiales (Brésil, Russie, Chine, Inde, Afrique du Sud) a annoncé que la capitale centrafricaine hébergerait son futur siège des BRICS en Afrique centrale[11]. Plusieurs projets stratégiques sont déjà choisis et en voie d’exécution. Encore faut-il que la contrepartie africaine au niveau du gouvernement centrafricain soit prête avec des expertises de haut niveau, nationales comme africaines, notamment en provenance de la Diaspora.
11. SR. Pensez-vous qu’il existe un conflit de « leadership » entre les pays de l’OTAN et ceux des BRICS ? Quelles pourraient être les conséquences pour le futur du Conseil de Sécurité de l’ONU ?
YEA. Il convient de rappeler que les pays membres du BRICS et les alliés ont constamment et systématiquement demandé, et même exigé une réforme des Nations Unies et plus particulièrement celle du Conseil de sécurité[12]. C’est face à un refus catégorique des pays membres de l’OTAN que l’alternative de créer un Conseil de sécurité parallèle et sans l’influence de l’OTAN a germé et s’est graduellement imposée.
Pour répondre à votre question, on n’est pas seulement dans une course de leadership entre l’OTAN et les BRICS Plus (y compris les nouveaux pays qui vont entrer en 2023). Il s’agit d’une véritable guerre à l’issue de laquelle, les dominants seront les dominés, ce à une échéance qui ne devrait pas dépasser le demi-siècle.
La réforme du Conseil de sécurité pourrait s’apparenter à une opération chirurgicale dès lors que les pays membres du BRICS Plus auront réussi à créer leur propre conseil de sécurité en le faisant reposer sur des critères d’égalité de traitement, de respect mutuel, de financement de soutien sans contrepartie exorbitante et surtout de dignité humaine retrouvée.
Si tous les nouveaux membres pressentis sont acceptés au sein du groupe des BRICS Plus, ils représenteraient alors près de 54 % de la population de la planète (soit plus de 4 milliards d’habitants, soit plus de la moitié de la population mondiale, environ 25 % du produit intérieur brut (PIB) mondial. La population mondiale devrait atteindre 8,1 milliards d’habitants en 2023. En comparaison, la population des pays membres de l’OTAN ne devrait pas dépasser les 12 % ou 14 % de la population mondiale.
En utilisant l’indicateur économique qu’est le produit intérieur brut (PIB) à parité de pouvoir d’achat (PPA), qui reflète mieux le niveau réel de production et de consommation des pays, notamment les pays disposant de monnaies faibles ou des coûts de vie bas en comparaison avec les pays industrialisés du Nord, on constate qu’en termes de la part de la richesse mondiale exprimée en PIB, le PIB de l’OTAN en 2020 était de 46 537 milliards de dollars américains, soit environ 32 % du PIB mondial en PPA[13]. En comparaison, le PIB des BRICS en 2020 était de 59 982 milliards de dollars américains, soit environ 41 % du PIB mondial en PPA[14].
En termes de PIB en PPA, le FMI prévoit, de manière conservatrice, que le PIB de l’OTAN sera de 54 890 milliards de dollars en 2028, soit environ 27 % du PIB mondial en PPA. Le PIB des BRICS[15] Plus (sans les nouveaux membres qui seront connus en fin 2023) sera de 86 057 milliards de dollars en 2028, soit environ 42 % du PIB mondial en PPA. La capacité d’influence de l’OTAN avec la guerre par procuration en Ukraine risque de se réduire fortement et rapidement. Aussi, il faut s’attendre à voir le nombre de pays membres des BRICS Plus augmenter avec des estimations pour 2030 selon lesquelles l’OTAN ne représenterait plus que 20 % du PIB mondial contre 40 % pour les BRICS Plus. Le monde va assister à la perte graduelle de la capacité d’influence de la coalition occidentale néoconservatrice, mondialiste et ésotérique dans un monde multipolaire. Les pays du BRICS Plus pèseront plus que l’OTAN au point que le Conseil de sécurité de l’ONU pourrait devenir une caisse d’enregistrement des décisions prises au sein du Conseil de sécurité des BRICS Plus.
Deux conseils de sécurité devraient évoluer parallèlement, celui de l’ONU à New-York, dominé par l’OTAN et celui des BRICS à Shanghai en Chine, dominé par les pays membres de l’OCS (Organisation de Coopération de Shanghai) élargie. Les pays africains devront choisir leur camp en fonction de leur intérêt. Il faut croire que beaucoup de pays africains seront affiliés aux deux organisations, étant entendu qu’au moment des votes aux Nations Unies, c’est la discipline de groupe qui va prévaloir dans un monde multipolaire.
12. SR. Votre mot de fin ?
YEA. À force de refuser collectivement l’inclusivité, la décentralisation des pouvoirs et de rejeter les principes de la subsidiarité au niveau de l’Assemblée générale, les cinq (5) membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies limitent considérablement le pouvoir du Secrétaire général des Nations Unies, le portugais António Guterres, ce depuis le 1er janvier 2017[16].
Aujourd’hui, le Conseil dit de « sécurité » des Nations Unies est dans une impasse. Il n’offre souvent que des décisions partisanes, ou pleines de flous présentés dans le jargon onusien comme des « consensus », ou alors ce sont les vétos et blocages divers (de procédure, de non présentation sur l’agenda, de report). En cas d’adoption d’une résolution qui pourrait être favorable à l’Afrique, le langage diplomatique utilisé est devenu synonyme d’imprécisions.
En conséquence, il faut bien constater sur le terrain, mais aussi au niveau mondial, que le Conseil de Sécurité des Nations Unies est devenu un conseil de l’insécurité. Ce ne sont pas les congolais de la République démocratique du Congo qui diront le contraire. L’essentiel des décisions se prend dans des cercles extérieurs et fermés aux Etats, principalement dans des milieux où dominent les mondialistes, liés par des liens invisibles ésotériques. Ce qui ne veut pas dire que l’ONU n’est pas sous l’emprise de certains groupes de pression et de lobbies de ces milieux précités. Au total, l’inclusivité consisterait à constater la non-représentativité exclusive des dirigeants politiques. En déduction, l’ONU devrait accorder un rôle de plus en plus important à des organisations de la société civile indépendante et non financées par l’un des Etats-membres du Conseil de sécurité.
Les organisations régionales ou la société civile, revendiquent un rôle plus important dans la prise de décision au sein de l’ONU. Aucune des propositions simples d’inclusivité, d’équité n’a conduit à un consensus à savoir : augmenter le nombre des membres du Conseil de sécurité, modifier la composition sur la base de critères consensuels, limiter l’usage du droit de veto, s’assurer que les fonds extrabudgétaires ne proviennent pas d’une oligarchie financière qui ne désespère pas de mettre l’ONU sous tutelle, à moins de remplacer le conseil de sécurité par un collectif des patrons d’entreprises multinationales, toutes versées dans des activités de « responsabilité sociale de l’entreprise » non sans arrière-pensées de retour sur investissement.
Il faut croire qu’à côté des deux conseils de sécurité, le premier de l’ONU dominé par l’OTAN et le deuxième de l’OCS dominé par la Chine, l’Inde et la Russie, un troisième conseil de sécurité risque d’apparaître au grand jour car il existe déjà. Il s’agit d’un gouvernement mondial dominé par les intérêts privés d’une oligarchie financière, mondialiste et vraisemblablement ésotérique qui considère qu’il faut soumettre le monde à leur vision du monde. Beaucoup de sport en perspective !
Je vous remercie pour l’invitation. YEA.
09 juin 2023 et mise en ligne le 22 juin 2023.
Dr. Yves Ekoué AMAÏZO, Directeur de Afrocentricity Think Tank
Contact : yeamaizo@afrocentricity.info
© Afrocentricity Think Tank, AfriConnect et Russia Today en français (RT en français)
Notes :
- Kuwonu, F. (2023). « Quatre pays africains lors de la création de l’ONU à San Francisco en 1945 ». In Afrique renouveau. 28 octobre 2020. Accédé le 9 juin 2023. Voir https://www.un.org/africarenewal/fr/magazine/octobre-2020/quatre-pays-africains-lors-de-la-cr%C3%A9ation-de-lonu-%C3%A0-san-francisco-en-1945 ↑
- ONU (2023). « Charte des Nations Unies (version intégrale) ». In www.un.org. 6 juin 2023. Accédé le 9 juin 2023. Voir https://www.un.org/fr/about-us/un-charter/full-text ↑
- ONU (2023). « Le Conseil de sécurité des Nations Unies accueille cinq nouveaux membres non permanents ». In www.news.un.org. 6 juin 2023. Accédé le 9 juin 2023. Voir https://news.un.org/fr/story/2023/06/1135872 ; les nouveaux pays ls occuperont les sièges actuellement occupés par l’Albanie, le Brésil, le Gabon, le Ghana et les Émirats arabes unis lorsque leur mandat de deux ans prendra fin le 31 décembre. ↑
- Radio France (2022). « ONU : une nouvelle réforme du veto au Conseil de sécurité ». In www.radiofrance.fr. Jeudi 12 mai 2022. Accédé le 9 juin 2023. Voir https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/et-maintenant/et-maintenant-du-jeudi-12-mai-2022-4730656 ↑
- Maurel, C. (2023). Histoire des idées des Nations Unies. Editions L’Harmattan : Paris. ↑
- ONU (2023). « Réforme du secteur de la sécurité : des progrès mais le travail n’est pas terminé ». In www.news.un.org. 17 mars 2023. Accédé le 9 juin 2023. Voir www.news.un.org. 6 juin 2023. Accédé le 9 juin 2023. Voir https://news.un.org/fr/story/2023/03/1133367 ↑
- Amaïzo, Y. E. (1998). De la Dépendance à l’interdépendance. Mondialisation et marginalisation. Une chance pour l’Afrique. Editions l’Harmattan : Paris. ↑
- Petrone, F. (2021). “BRICS and Global Governance: Will the Grouping be able to Reform the United Nations Security Council?”. In International Studies. Vol. 58, Issue 3, pp. 363–379. Accessed on 09 June 2023. Retrieved from https://doi.org/10.1177/00208817211029409 ↑
- Anonyme (2023). « L’OCS a l’opportunité de devenir une mini-Onu idéale d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine ». In Vigile Quebec. 12 mai 2023. Accédé le 9 juin 2023. Voir https://vigile.quebec/articles/l-ocs-a-l-opportunite-de-devenir-une-mini-onu-ideale-d-asie-d-afrique-et-d-a ↑
- G77 (2023). « About the G 77 ». In www.g77.org. Accessed on the 8 of June. Retrieved from https://www.g77.org/doc/.Le Groupe des 77 (G77) aux Nations unies, avec au départ 77 pays non alignés, est une coalition de pays en développement, pour promouvoir les intérêts économiques et politiques collectifs de ses membres et créer une capacité de négociation accrue aux Nations unies. L’unité d’action de plus de 134 pays membres du G77 aux Nations Unies en 2019, ce, au-delà de leur diversité, devrait permettre, si la discipline est au rendez-vous, de peser sur les décisions internationales, ou tout au moins de les neutraliser un peu dès lors que cela se fait aux dépens des pays à capacité d’influence faible ou moyenne. Le G77 est actuellement dirigé par Cuba. ↑
- RFI (2022). « Centrafrique: une délégation des BRICS annonce l’ouverture d’un bureau régional à Bangui ». In www.rfi.fr. 25 novembre 2023. Accédé le 9 juin 2023. Voir https://www.rfi.fr/fr/afrique/20221125-centrafrique-une-d%C3%A9l%C3%A9gation-des-brics-annonce-l-ouverture-d-un-bureau-r%C3%A9gional-%C3%A0-bangui ↑
- Abb P. & Jetschke A. (2019). “The devil is in the detail: The positions of the BRICS countries towards UN security council reform and the responsibility to protect. The positions of the BRICS countries towards UN security council reform and the responsibility to protect”. In Matthew S. D., & Zürn M. (Eds.). Contested world orders. Rising powers, non-governmental organizations, and the politics of authority beyond the nation-state. Oxford University Press: London, pp. 167–201. ↑
- Delawarde, D. (Gal) (2023). “Économie mondiale : bras de fer BRICS/OTAN en données chiffrées : L’essor des BRICS est inéluctable». In vigile.quebec. 18 avril 2023. Accédé le 9 juin 2023. Voir https://vigile.quebec/articles/economie-mondiale-bras-de-fer-brics-otan-en-donnees-chiffrees ↑
- Statista (2020). « Produit intérieur brut des pays du BRIC 2010-2020 ». In fr.statista.com. publié par Statista Research Department. Accédé le 9 juin 2023. Voir https://fr.statista.com/statistiques/564225/produit-interieur-brut-des-pays-du-bric-2010-2020/ ↑
- Statista (2023). « Produit intérieur brut (PIB) annuel des différents États membres des BRICS, de 2000 à 2028 (en milliards de dollars)». In fr.statista.com. Statista Research Department. Accédé le 9 juin 2023. Voir https://fr.statista.com/statistiques/1380943/brics-pib-membres/ ↑
- Voir la liste des secrétaires généraux de l’ONU : UN (2023). « Qui est et qui a été Secrétaire général des Nations Unies ? ». In ask.un.org. accédé le 10 juin 2023. Voir https://ask.un.org/fr/faq/177584 ↑