SIBIKAN MEDIA. FOCUS AFRICA
Journaliste : M. Olivier DOSSOU.
Contact : africadebats@gmail.com
Souscrire : http://www.youtube.com/@sibikanmedia9227
Invités :
M. Guy Mafimba MOTOKI
Représentant de la Coalition FROCAD – Initiative pour la Défense de la Constitution (IDC). Membre du Collectif SASSOUFIT.
M. Dr. Gaétan Gbati ZOUMARO
Membre fondateur du Groupe des 09 (G9)
M. Dr. Yves Ekoué AMAÏZO
Economiste – Analyste Politique – Essayiste
Président du Think-Tank Afrocentricity, un groupe de réflexion et d’influence, www.afrocentricity.info.
Emission programmée sur Zoom : FOCUS AFRICA. SIBIKAN MEDIA
Lien : africadebats@gmail.com (Youtube.com)
Date : Mardi 16 mai 2023 (en direct Zoom 20h00 – 22h30, heure de Paris)
Internet : Mise en ligne le 17 mai 2023
Ecouter le Débat en Podcast (durée : 2 heures 31 minutes et 47 secondes) :
LIVE YOUTUBE / SIBIKAN MEDIA : 1,75 K
Lien : https://www.youtube.com/live/fEiiyJClm08?feature=share
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Résumé :
Le silence sur les conclusions d’un dîner à huis clos entre le Président français Emmanuel Macron et son homologue togolais, Faure Gnassingbé, pose problème. Il y a lieu de décrypter le silence des médias politiquement correct avec des acteurs africains indépendants. Que cache la rencontre entre Faure Gnassingbé à Emmanuel Macron, le mercredi 10 mai 2023 sans déclaration officielle ?
Faure Gnassingbé devenu grand médiateur dans les crises sous-régionales alors que sa maison consume… De plus, Lomé, nouvelle capitale du Panafricanisme ? Hum ! Cherchez l’erreur !
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Principales questions du journaliste M. Olivier DOSSOU : Contributions du Dr. Yves Ekoué AMAÏZO
1. Le mercredi 10 mai 2023 Faure Gnassingbé a été reçu par Macron à l’Elysée. Que vous inspire cette rencontre dans un contexte de mobilisation en Afrique et en Diaspora contre la Françafrique ?
YEA. Merci pour l’invitation et mes salutations à mes co-débateurs et à vos auditeurs et téléspectateurs.
En recevant le 10 mai 2023 à l’Elysée Faure Gnassingbé, censé représenter le Peuple togolais, le Président français ne peut faire semblant d’ignorer qu’il reçoit un autocrate, le fils de son père, le feu dictateur Etienne Eyadéma Gnassingbé. Mobilisation ou pas contre la Françafrique, les autorités françaises affirment que la Françafrique, c’est du passé : Emmanuel Macron est celui qui invite et donc a un message à faire passer. J’ai retenu au plan officiel au moins trois :
- Le renouveau du partenariat « France – Togo » pour défendre des intérêts communs et non ceux des Peuples togolais ou français ;
- l’intensification de la coopération bilatérale et multilatérale dans la lutte contre le terrorisme suite à la déstabilisation de la Libye par la France et l’OTAN et ses conséquences en Afrique, du Sahel vers les pays côtiers ; et
- le rôle de parrain et d’intermédiaire de Faure Gnassingbé, que ce soit « sollicité » ou « pas » entre le Mali et la Côte d’Ivoire suite à l’affaire des 46 militaires ivoiriens « mercenaires » prévenus, condamnés et libérés par une grâce présidentielle au Mali, puis entre le Mali et la CEDEAO, et en perspective entre la France et le Mali.
Les impératifs de la real politik déployée par le Président français le conduisent, au nom des intérêts particuliers et mondialistes qu’il défend, à reléguer au second plan, la volonté du Peuple togolais ainsi que les valeurs, le droit, la justice, la vérité et la souveraineté du Togo.
2. Quels sont les enjeux de cette visite dans un contexte sous-régional de terrorisme au Sahel où le Chef de l’Etat togolais fut très impliqué avec des soldats au Mali (MINUSMA) et de médiation sur l’affaire des 49 soldats ivoiriens ?
YEA. Si l’on s’en tient aux déclarations officielles, il s’agit de trouver un rôle accru au Togo dans l’organisation remaniée des forces françaises en Afrique de l’Ouest pour officiellement lutter contre le terrorisme au Sahel. Mais il s’agit de « secret défense ». Alors, sans précision sur ce que le Togo doit payer, recevoir, ou faire pour le compte de la France ou pour son propre compte, il est préférable de ne pas faire de spéculation. Il semble qu’il y ait eu une attaque terroriste au nord du Togo aujourd’hui (16 mai 2023). Mais les autorités togolaises ne communiquent pas. En réalité, il apparaît pour la première fois que les terroristes qui viennent au Togo en veulent plus au autorités militaires et politiques qu’aux populations. Aussi, c’est directement la sécurité de Faure Gnassingbé et son entourage qui est en jeu.
Il n’est pas impossible que le rôle d’intermédiation de Faure Gnassingbé dans la libération des 46 soldats ivoiriens condamnés par la justice malienne en tant que mercenaires ayant raté leur coup d’Etat et graciés par le Président du Mali, Assimi Goïta, permet à Faure Gnassingbé de renégocier les termes de ladite coopération entre la France et le Togo.
Il n’y a à ce jour que des affirmations contradictoires que les soldats ivoiriens étaient venus au Mali en tant que force déployée par les Nations Unies, la MINUSMA. L’ONU a d’abord déclaré que ces soldats ne figuraient pas sur leur liste, puis le Secrétaire général de l’ONU est venu unilatéralement annoncer, suite à des pressions extérieures, qu’il s’agissait d’une mission de l’ONU.
Aussi, l’enjeu de cette visite en France de Faure Gnassingbé est de voir à quelle condition il pourrait servir de relais à la France pour renouer les liens avec les autorités maliennes.
3. Quels sont les dividendes politiques aussi bien pour Macron que pour Faure Gnassingbé de cette rencontre suivie d’un déjeuner à l’Elysée ?
YEA : En fait, la principale dividende politique est de convaincre qu’entre Faure Gnassingbé et Emmanuel Macron, tout est au beau fixe, ce qui devrait conduire le Peuple togolais à ne plus croire que la France d’Emmanuel Macron pourra leur porter secours dans leur lutte désorganisée pour se libérer du système Gnassingbé. Comme en Ukraine nous assistons à une guerre par procuration, au Togo, il s’agit d’un management par procuration, sauf que les militaires togolais qui ont porté Faure Gnassingbé au pouvoir, ne sont plus aussi arrogants face à la menace terroriste qui semble les cibler plus particulièrement.
Paradoxalement, le résultat final pourrait être que la France commence à douter de la capacité des militaires togolais à faire face à des terroristes qui semblent occuper au moins 3 % à 7 % du territoire togolais au nord.
4. Faure Gnassingbé serait un panafricaniste selon son ministre des Affaires Etrangères Robert Dussey. Et Lomé se veut capitale du panafricanisme. Qu’en pensez-vous ?
YEA. Il faut préciser que face à une vague d’Africains panafricanistes qui occupent les réseaux sociaux et offrent des informations alternatives aux médias politiquement corrects dits « médias mainstream », il fallait lancer un mouvement de type révisionniste. A savoir ceux qui servent de relais à la France et à l’Occident puissent remettre en cause les fondements du du panafricanisme. Le Ministre des Affaires Etrangères, de l’Intégration Régionale et des Togolais de l’Extérieur a divisé les Togolais de la Diaspora, et contrôle une partie de la Diaspora togolaise qui accepte de s’aligner sur le pouvoir togolais. Il est question pour le pouvoir Gnassingbé de récupérer la crédibilité des togolais de l’extérieur, qui pour la plupart, n’ont rien obtenu du pouvoir togolais pour se hisser là où ils sont.
C’est ainsi que l’organisation de la Diaspora togolaise est prise en main par le ministre togolais, ce qui a divisé la Diaspora en deux grandes catégories : les indépendants et les alignés sur l e système Gnassingbé. C’est ainsi que le Togo a initié avec 15 autres pays le concept de « décennie des racines africaines 2021-2031» pour identifier les membres de la Diaspora qui accepteront de s’aligner sur la position révisionniste du panafricanisme et de la Diaspora alignée. En effet, suite à l’échec du pouvoir Gnassingbé de contrôler la Diaspora togolaise consciente et indépendante notamment par l’utilisation des transferts de fonds de Diaspora togolaise au service des objectifs de Faure Gnassingbé.
C’est donc dans ce cadre qu’il faut savoir que le Togo souhaite organiser en 2024, la date n’étant pas encore précisée, le 9e Congrès panafricain de Lomé sur le thème du « Renouveau du panafricanisme et place de l’Afrique dans la gouvernance mondiale : mobiliser les ressources et se réinventer pour agir ». Officiellement, il s’agit d’utiliser les Diasporas africaines et les Afrodescendants comme des acteurs du développement de l’Afrique. Mais la réalité est que la Diaspora n’a pas attendu le Togo, et qu’au contraire, ce sont les obstructions d’un système Gnassingbé et l’accaparement de tout le système par le réseau Gnassingbé qui empêchent de nombreux membres de la Diaspora togolaise de rentrer en toute liberté, de s’engager dans des activités génératrices de revenus ou même d’investir au Togo. La notion de « responsabilité collective et de gouvernance collective des citoyens africains » ne peut être formaté par les Etats africains, surtout si ces Etats sont des relais de pays étrangers, adeptes d’une mondialisation de l’alignement et non une mondialisation du non-alignement et de la souveraineté.
5. Des dizaines de prisonniers politiques sont en prison avec une répression féroce. Mgr Kpodzro et l’ancien Premier ministre Agbéyomé Kodjo sont toujours en exil. Macron a-t-il trahi sa volonté de moderniser la politique africaine de la France en faveur d’un Etat de droit démocratique ?
YEA. Effectivement, le nombre de Togolaises et de Togolais en exil du fait des menaces directes ou diffuses du système Gnassingbé est important, plusieurs centaines de milliers de concitoyens. Mais, il faut rappeler que Faure Gnassingbé qui sert d’intermédiaire dans la libération de mercenaires ivoiriens condamnés et graciés au Mali, a oublié de mentionner ce qui se passe au Togo de son fait. De nombreux prisonniers politiques sont encore dans les geôles nauséabondes du Togo avec aucune chance de voir leur droit légitime et la présomption d’innocence s’appliquer.
La grande majorité des détenus politiques a été arbitrairement arrêtée, torturée, traitée inhumainement, et de façon cruelle sans considération de leur droit. Comment est-ce que la libération de tous les prisonniers politiques et la poursuite des auteurs faisant parti du système Gnassingbé ainsi que la demande de réparation et d’indemnisation par l’Etat togolais n’ont pas semblé avoir été discutés entre les deux présidents. Cette exigence doit intégrer chaque projet de société ou projet politique alternatif. Je me permets de rappeler le cas d’un citoyen disposant de la double nationalité Togo et Irlandais qui de nomme Abdoul Aziz GOMA, un homme d’affaires qui a subi des tortures et des mauvais traitements, a actuellement perdu l’usage de ses jambes et de ses pieds. Pourtant l’Etat malien a libéré certains prisonniers pour des raisons humanitaires. À la prison civile de Lomé, les détenus politique meurent en silence, et la situation est pire à l’intérieur du pays.
Faure Gnassingbé né apparemment le 6.6.66 n’a peut-être pas eu la chance d’être sensibilisé à la notion d’Humanité et surtout ne connaît pas en droit de la présomption d’innocence.
Bref, le Togo n’est pas un Etat de droit, mais une autocratie proche d’une dictature. Aussi, parler de démocratie au Togo, c’est rappeler que toutes les élections sous le père comme sous le fils sont considérés comme illégales car ne reflétant pas la vérité des urnes. Entre les recensements bâclés, les populations togolaises exclues, la diaspora exclue dans sa grande majorité, les étrangers qui obtiennent la carte d’électeurs, le découpage électorale inique, et une commission électorale non indépendante, la question n’est pas de savoir si le Togo est démocratique ou pas, la question est de savoir comment est-ce que le Togo pourra retrouver le chemin de la vérité des urnes, surtout si les de nombreux militaires togolais ont abandonné le Peuple togolais pour défendre leurs intérêts et business propres.
Sur la deuxième partie de votre question qui concerne Emmanuel Macron, il ne peut se trahir lui-même, ni ceux pour qui il travaille au plan mondial. En effet, sa volonté affichée de moderniser la politique africaine de la France en faveur d’un Etat de droit démocratique relève de la communication. La naïveté de nombreux décideurs africains, des médias africains et même d’une partie de la population de croire à ce qu’annonce un décideur politique doit être confrontée à la réalité des actes. Mais, comme il y a de plus en plus de relais africains noirs ou pas, à l’extérieur comme à l’intérieur, de nombreux africains, togolais en particulier, ne sont pas conscients des enjeux de puissance et se contentent de ne chercher à satisfaire leur intérêts personnels et moins ceux plus collectifs de l’intérêt collectif d’un Peuple.
6. « L’affaire Bolloré » avec le renvoi en correctionnel de Vincent Bolloré en procès a-t-il été au centre des échanges avec ce scandale de corruption au port de Lomé qui implique Faure Gnassingbé et ses proches ?
YEA. Je n’ai pas participé à ce dîner en tête à tête. Je ne peux pas me prononcer. En principe, il y a une séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le judiciaire en France. Mais la réalité peut être autre.
Mais, ce que je sais, c’est qu’il faut féliciter une partie des juges français qui ont tenu tête aux pressions diverses pour que ce dossier de corruption n’aille pas devant un tribunal correctionnel. Aujourd’hui, cet objectif est possible, encore faut-il attendre qu’une date officielle soit fixée pour la tenue de ce procès. De plus, dans les nombreuses contestations de Vincent Bolloré, les juges ont accepté de retirer du dossier « la reconnaissance de culpabilité volontaire » de Vincent Bolloré et d’opter pour le principe du droit universel à la « présomption d’innocence » de Vincent Bolloré et ses deux directeurs soit rétablie. Mais à ce jour, Faure Gnassingbé considère qu’il s’agit d’une affaire « franco-française ». Le Togo ne serait donc pas concerné.
Aussi, il appartient aux citoyennes et citoyens togolais de déposer une plainte et de se porter partie-civile, en sachant que le juge a restreint unilatéralement la période où les allégations de corruption pourraient être confirmées par des preuves si les pièces à conviction et le dossier qui permit la perquisition et la mise en examen de Vincent Bolloré, ses acolytes et sa société par le parquet financier de Paris, ne disparaissent pas.
Aussi, les citoyens togolais doivent prendre conscience que l’indignation, l’évidence de la corruption doivent pourtant reposer sur des preuves. Aussi, toutes les bonnes volontés qui peuvent fournir des preuves devant le juge correctionnel. Il faut donc bien attendre la date exacte et s’organiser que les preuves ne disparaissent pas par enchantement des pièces à conviction. Enfin, une condamnation qui se traduirait par un sursis reposerait alors la question du contrôle d’une partie de la justice française par des groupes ésotériques dont la finalité sert pas les intérêts des peuples de France, du Togo ou de l’Afrique.
7. Votre mot de fin ?
YEA. Il ne faut pas oublier les prisonniers politiques inhumainement embastillés contre le droit au Togo. Alors qui peut servir d’intermédiaire ? Certainement pas Faure Gnassingbé ! Alors, le peuple togolais indépendant soit s’organiser en mettant en valeur la compétence, l’efficacité et la crédibilité des représentants du Peuple togolais.
Si les militaires togolais qui ont porté Faure Gnassingbé au pouvoir refuse de suivre les « injonctions » provenant vraisemblablement du Président Emmanuel Macron, il n’est pas impossible que le rôle et la responsabilité de la France dans la mort du feu Président Idriss Deby au Tchad, pourra conduire à une répétition de la neutralisation de ceux qui refusent l’hégémonie néocoloniale, discrète ou pas.
16 mai 2023. Mise en ligne le 17 mai 2023 sur Afrocentricity Think Tank.
Dr. Yves Ekoué AMAÏZO, Directeur de Afrocentricity Think Tank
Contact : yeamaizo@afrocentricity.info
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