Sujet : TRANSFORMATION DES MATIERES PREMIERES EN AFRIQUE : LE « STATU QUO » ?
Journaliste : Mme Samantha RAMSAMY Invité : Dr Yves Ekoué AMAÏZO, économiste et Directeur de Afrocentricity Think Tank, un groupe de réflexion et d’action. Contact : yeamaizo@afrocentricity.info
Emission : Africa Connect
Le 09 décembre 2021
1. RT France : L’Afrique regorge de richesses mais peine à transformer ses matières premières. Quel état des lieux faites-vous ?
YEA : Si les matières premières comme le pétrole ou le diamant se trouvaient en France ou en Allemagne, personne ne parlerait de « malédiction » mais bien de bénédiction. Aussi, pour l’Afrique, c’est une grande bénédiction. On comprend d’ailleurs pourquoi chacun cherche à venir s’approprier, parfois avec violence et illégalement, cette bénédiction.
Donc le problème est ailleurs : il s’agit de la gouvernance, ou plutôt de la mauvaise gouvernance de richesses tirées de ces matières premières.
Pour cela, je propose de clarifier le concept de matières premières afin de comprendre la lutte acharnée qu’en filigrane, il y a un besoin de s’affranchir de la dépendance, voire d’assurer le contrôle de la matière première, voire des Etats africains, par des formes de dépendances de type néocoloniales. C’est donc bien la volonté des Etats ou du secteur privé notamment les entreprises transnationales de contrôler ces matières premières par tous les moyens légaux ou illégaux qui peut expliquer la promotion unilatérale « côté occidental » de la notion de malédiction. Mais rien ne peut se faire sans la participation active de certains Africains, notamment celles et ceux qui occupent des postes décisionnels, souvent à la tête des Etats africains. Paradoxalement donc, certains dirigeants africains, bien ou mal élus, deviennent des courroies de transmission de ce système d’accaparement de la rente aux dépens des populations africaines.
D’autre part, si ceux qui sont à la tête de ces Etats choisissent d’œuvrer pour le bien de leur population ou de servir des intérêts étrangers ou leurs propres intérêts, vous pouvez comprendre aussi que la notion de malédiction ne s’applique pas à ces dirigeants, mais bien au peuple africain dans sa grande majorité car ne bénéficiant ni des retombées directes, ni des réinvestissements que la richesse créée aurait pu avoir sur les activités fondant le développement.
De fait, les notions de démocratie et de vérités des urnes, de transparence des comptes publics, d’obligation de rendre des comptes aux populations et de liberté d’informer, la protection de l’environnement (pour ne citer que ceux-là) deviennent des priorités secondes face à la priorité que constitue l’accès ou l’accaparement des matières premières aux dépens de la grande majorité des populations africaines.
L’état des lieux est négatif. Malgré tous les efforts des organisations de la société civile pour introduire de la transparence dans la publication des comptes des entreprises multinationales actives dans les matières premières, l’accaparement des richesses restent asymétriques. Autrement dit, l’Etat africain est un Etat interventionniste et à ce titre, porte, une grande part de responsabilité dans la facilité d’accès aux matières premières délivrées aux étrangers et dans l’utilisation des retombées fiscales obtenues, quand la corruption n’a pas pris la relève de part et d’autre.
D’après les dernières estimations statistiques industrielles de l’ONUDI[1] et du fait de la pandémie du COVID-19, l’Afrique subsaharienne a vu sa croissance régresser en 2020, avec -1,5 % de croissance. La part de la valeur ajoutée manufacturière de l’Afrique. En 2020, l’Afrique ne représentait que 1,2 % des 100 % de la capacité mondiale de transformation des matières premières.
La part de la Valeur ajoutée manufacturière (VAM) en 2020 de l’Afrique subsaharienne d’après la Banque mondiale serait de 11,9 % dans le produit intérieur brut (PIB qui signifie la richesse créée). Pourtant en 1981, l’Afrique subsaharienne affichait 16,4 % de VAM dans le PIB. L’Afrique a donc régressé de près de 4,5 % en 10 ans.
Autrement dit, malgré les incantations des dirigeants africains, la transformation industrielle des matières premières n’est pas encore la grande priorité pour les dirigeants africains, pris collectivement. Le problème est qu’ils sont nombreux à croire qu’il suffit de « décréter » l’industrialisation ou de faciliter l’installation d’infrastructure ou d’un investisseur étranger pour que par magie l’industrialisation ait lieu… En réalité, le problème de la transformation des matières est holistique et doit profiter d’abord aux Africains par des soutiens (fiscalité minimisée, accès au financement à des conditions favorables et abondantes, accompagnement en formation, savoir-faire, technologie et marché) aux petites et moyennes entreprises du secteur privé. Paradoxalement, c’est justement toute cette approche qui est méconnue. Les petites et moyennes entreprises et industries africains sont souvent méprisée fiscalement, et les incitations de l’Etat sont embryonnaires, voire sur papier, sans effets sur le terrain. Les pouvoirs publics africains demeurent en définitive, les premiers responsables dans les choix stratégiques effectués.
2. RT France : Pourriez-vous nous apporter quelques clarifications du concept de « matières premières ».
YEA : La matière première est un produit naturel brut qui doit être soumis à un processus de production jusqu’à ce qu’il devienne un produit fini. Les matières premières peuvent être d’origine animale, végétale ou minérale, sous une forme solide, liquide, suspensions et gaz, renouvelable ou non.
Plus largement, il s’agit d’un ensemble des produits bruts à l’état initial servant à la production ou à la fabrication de produits finis ou manufacturés.
Le terme « matières premières » concerne les matériaux permettant de fabriquer des produits finis que des biens intermédiaires notamment énergétiques nécessaires à leur élaboration.
Les matières premières peuvent être d’origine animale, végétale ou minérale, sous une forme solide, liquide, en suspension comme le gaz, qu’il soit renouvelable ou pas.
Il convient de distinguer entre matières premières énergétiques et matières premières non énergétiques, avec l’agriculture (boissons, alimentation dont (huiles et nourriture, graines et autres alimentations), les fertilisants, les métaux et minerais (métaux précieux). Toutes ces matières premières vont connaître d’après les statistiques de la Banque mondiale, des hausses de prix importantes entre 2021 et 2022 avec des variations de hausses moyennes estimées entre 35,3 % pour les énergies et 8,4 % pour les non-énergies[2].
Les matières premières de base sont constituées de matières premières agricoles (alimentation : blé, café, cacao, huiles) ou de minerais (fer ou l’or) et de matières premières énergétiques (pétrole, charbon ou le gaz), etc.
Les matières premières sont transformées en produits finis au cours d’un processus de production, ce qui fait que l’on ne peut parler de matières premières sans parler de « chaines de valeur ajoutées », d’énergie, de stockage, d’approvisionnement, d’infrastructures, de transport, de logistique performante, de transformation industrielle dans ses trois (3) principales différentes phases technologiques relatives au niveau de valeurs ajoutées (VA) intégrées dans le processus de transformation à savoir : 1/sans VA ou faible VA, 2/VA moyenne et 4/ haut niveau de VA, d’emballage et de mise à disposition dans les délais, le tout en conformité avec le respect de la biodiversité et de l’environnement.
Les matières premières sont donc entièrement consommées lors de leur première utilisation et disparaissent pour offrir une autre matière première intermédiaire ou un bien fini. La notion d’ailleurs de recyclage, de diversification et d’économie circulaire prennent d’ailleurs toutes leurs importantes.
Il faut absolument faire la différence entre les matières premières : rares, critiques ou essentielles, fondamentales, nécessaires…
Les matières premières essentielles (MPE) (bauxite, cobalt, charbon de chauffage, lithium, magnésium, caoutchouc naturel, phosphate, phosphore, tungstène, vanadium, etc.) à l’origine de la création de valeur industrielle.
Il est donc essentiel pour la transformation de matières premières de contrôler ou de s’assurer de l’approvisionnement en amont et de la participation dans les secteurs en aval au risque d’être marginalisé. La question de la transformation ne peut plus se limiter à la mise en place d’une industrie, mais bien d’un contrôle des flux des matières premières et intermédiaires, de la valeur ajoutée créée à chaque étape de la chaine de valeur et une maîtrise des chaînes d’approvisionnement avec si possible des agglomérations de compétences et des écosystèmes fondées sur la formation permanente et la mise à niveau grâce à une intégration poussée entre les centres de formation, d’innovation et le secteur privé de transformation et de promotion du produit fini.
Quand les dirigeants africains insistent auprès de leurs partenaires occidentaux d’être considérés comme des partenaires égaux dans le commerce, ils oublient le rapport de force, les différenciations technologiques et la capacité à innover et inventer pour servir en priorité une économie de proximité. Il semble que cette compréhension du problème leur échappe alors qu’elle est devenue une partie cruciale de la compétition locale et globale, et d’une concurrence dans les capacités industrielles de transformation des nations.
Les MPE en provenance de l’Afrique représentent 49 % des importations de l’UE, ce qui peut expliquer une grande fébrilité des pays de l’UE à mettre de côté les droits humains, la corruption et l’autocratie pour assurer en priorité l’approvisionnement de ces matières premières critiques[3]… avec en filigrane une peur viscérale de tomber tôt ou tard dans une très forte dépendance du fait de l’importation de ces matières premières. La réalité est que la balance commerciale et la balance des paiements entre la plupart des pays africains, mais aussi collectivement entre l’Afrique d’une part, et l’Union européenne ou la Chine ou les Etats-Unis d’autre part, sont déficitaires.
Les matières premières essentielles ou critiques (MPE) sont les matières premières qui sont économiquement et stratégiquement importantes pour l’économie et dont le non-approvisionnement présente un risque élevé de déstabilisation conjoncturelle et structurelle d’une nation, à savoir les secteurs industriels clés, les applications des technologies émergentes et disruptives du future et dans le fonctionnement durable d’une économie.
Ces matières premières sont utilisées dans les technologies environnementales notamment l’électronique grand public, la santé, la sidérurgie, la défense, l’exploration spatiale et l’aviation, ces matières ne sont pas seulement “critiques” pour les, mais aussi pour le fonctionnement durable de l’économie européenne.
La dépendance de l’UE est évidente. L’UE ne fournit actuellement que 1 % des matières premières pour l’énergie éolienne, moins de 1 % des batteries Lithium, moins de 1 % des piles à combustible, 2 % seulement des matières premières nécessaires pour la robotique et seulement 1 % des assemblages photovoltaïques à base de silicium[4].
La compétition pour acquérir ces matières premières vient du fait qu’il y a un niveau élevé de concentration des matières premières critiques dans certains pays africains et qu’il n’y a pas de substituts viables, en raison des propriétés uniques et fiables de ces matériaux pour les applications actuelles et futures.
L’Afrique ne maîtrise pas le prix de ses matières premières qui sont des actifs, cotées en Bourse, achetées et vendues dans le monde dans les portefeuilles d’investisseurs et de spéculateurs. Il suffit pourtant qu’il n’y ait un regroupement au sein d’une organisation sans les dirigeants qui trahissent la cause africaine pour défendre les intérêts étrangers, avec en contrepartie, la garantie de conserver le pouvoir politique, par tous les moyens.
3. RT France : Pourquoi le continent peine à transformer ses richesses ?
YEA : Entre 2010 et 2019 soit en 10 ans, l’Afrique subsaharienne a progressé de 1 % en passant de 10 % à 11 % de la part de la valeur ajoutée manufacturière (VAM) dans le produit intérieur brut (PIB) à savoir la richesse produite dans le pays. La capacité de l’Afrique subsaharienne à transformer industriellement ses matières premières est largement en dessous de la moyenne mondiale qui s’est tassée au cours de la même période passant de 16 % à 15 % de la par de la VAM dans le PIB. Autrement, je confirme que l’Afrique peine à transformer ses matières premières industriellement.
Le vrai problème que l’on ne voit pas dans un avenir proche une approche collective africaine pour corriger le tir. Si l’écart en 2019 avec la moyenne mondiale était de -4 %, avec l’Asie du Sud-Est et Pacifique (ASEP), cet écart s’élève à -8 %, avec une part de la VAM dans le PIB de l’ASEP de 23 %.
La réponse est d’abord qu’il y a une trop faible prise de conscience collective de la protection des matières premières par les dirigeants africains pris collectivement. La question est de savoir si ces dirigeants sont « incapables de s’unir[5] » pour peser sur le marché des matières premières et inclure dans les contrats octroyés l’obligation de transformer les matières premières (au moins le premier niveau de transformation dans la chaine de valeur ajoutée) au niveau local, ce avec des ressources humaines africaines y compris les Africains de la Diaspora.
Ensuite, il y a un quiproquo sur les acteurs africains qui doivent être en charge de la création de valeurs ajoutées. A mon sens, cela aurait dû revenir au secteur privé conscient, mais la réalité est que ce sont des Etats, et souvent des Etats militarisés, aves des militaires devenus de grands affairistes et bénéficiant d’une complicité du système politique et judiciaire qui promeuvent l’omerta et l’impunité. Ils ont développé au cours des décennies, un sens exacerbé pour la rente de situation et non la création par l’innovation et l’invention de la richesse, ce qui pose d’ailleurs le problème de la compétence et de la vision stratégique au service des populations.
4. RT France : L’Afrique a-t-elle raté sa phase d’industrialisation ?
YEA : la réponse est clairement oui. Mais, au-delà de l’industrialisation, c’est tout le processus de maîtrise de la chaine de valeurs ajoutées à partir des matières premières qui n’a pas fait l’objet d’une approche collective sous l’angle d’une défense de la souveraineté économique et de l’autosuffisance alimentaire, sanitaire, sécuritaire, culturelle et environnementale. En conséquence, les crises sociales sont à déplorer avec les tristes chiffres d’un chômage important et l’absence de pouvoir d’achat conséquent qui lui est rattaché.
5. RT France : A qui la faute ? Aux politiques d’ajustement structurel mis en place par les institutions internationales et l’endettement ?
YEA : Il n’y a pas un seul bouc émissaire dans cette histoire. Comme la définition de la transformation de la matière première recouvre plusieurs champs et plusieurs acteurs, la responsabilité repose principalement sur l’absence de politiques de création de valeurs ajoutées collectives à l’Afrique. Les mots « intégration régionale » sont restées lettre morte en termes de transformation industrielle sauf quelques cas où la production est faite sur un territoire mais la commercialisation embrasse l’ensemble de la sous-région.
Mais le vrai problème réside dans l’exportation des matières non transformées pour s’assurer des rentes de situation qui se sont dégradées au cours des années car les cours des matières premières ont fixé à l’extérieur de l’Afrique et plus part les « acheteurs » et non les « vendeurs » de la matière première.
C’est vrai que face à une mauvaise gouvernance et un endettement endémique, les pays africains ont dû recourir aux institutions de Bretton Woods dont le Fonds monétaire international qui imposent leurs critères anti-sociaux pour résoudre les problèmes de court terme de balances de paiement déficitaires. Cela a permis à de nombreux dirigeants de solder leur responsabilité et rendant les institutions de financement responsables. Mais personne n’est forcée d’aller au FMI. Le Ghana aujourd’hui n’a plus aucune dette envers le FMI et se refinance sur le marché international sans problème.
6. RT France : Est-ce le système de la Françafrique, un système de prédation des richesses ? Ou encore la gabegie des hommes d’Etat et la culture de rente ?
YEA : Il s’agit là du réseau fermé entre les dirigeants français et africains, ce depuis la période postcoloniale des années 1960. Je vous l’accorde que l’objectif principal de la Françafrique est de poursuivre la néo-colonisation en modifiant les lignes sans pour autant modifier la dépendance envers la France. Aussi, ce système n’est pas possible sans la collaboration active de dirigeants africains. Cela fut possible grâce à un réseau fermé fondé sur les liens ésotériques où silence et soutien mutuel et promotion en termes d’accès au ruissellement des richesses créées sont reparties selon des codes internes très précis. L’industrialisation ou la transformation des matières premières en Afrique francophone a longtemps une interdiction formelle.
De nombreux dirigeants africains sont morts assassinés pour avoir voulu faire sauter cette interdiction. La gabegie des dirigeants et la culture de la facilité et de la rente sont une partie intégrante des instruments fondateurs de la Françafrique.
Mais la réalité est qu’il y a des dirigeants africains qui ont choisi de devenir de véritables agents pour les forces du marché. Aussi, ce n’est pas que des dirigeants occidentaux du secteur public mais il y a de plus en plus des dirigeants étrangers du secteur privé.
La privatisation qui a suivi les programmes d’ajustements conjoncturelles à répétition en Afrique francophone a permis l’accaparement de pans entiers de capacités productives ou commerciales pour le Franc symbolique et une dette prise en charge par l’Etat africain. La gabegie n’est pas que l’œuvre de certains dirigeants de l’Etat. Il l’est de plus en plus des militaires africains qui contrôlent le personnel étatique et n’ont souvent aucun sens de la gestion efficace du bien public. Enfin, certains Etats ont trouvé la solution en créant des sociétés parallèles privées qui sont les seuls « adjudicataires » des contrats de l’Etat, comme c’est le cas dans de nombreux pays francophones en Afrique.
7. RT France : Lorsqu’on regarde un reportage sur la transformation du cacao en Côte d’Ivoire, on s’aperçoit que les sociétés françaises font beaucoup d’ombre aux petits producteurs confiseurs locaux ? Pourquoi la transformation du cacao est-elle si difficile pour les producteurs locaux ?
YEA : Rappelons tout de même que la transformation du cacao n’est pas une opération difficile. Elle est bien maîtrisée techniquement. Si l’on considère l’approche de la chaine des valeurs ajoutées, il est possible par exemple de générer de la valeur dès la 1e transformation avec le beurre de cacao et ouvrir de multitudes de possibilités dans le cosmétique par exemple. Dans le 2e et 3e niveau de transformation, on évolue vers le chocolat et les mélanges. Mais les coques de cacao sont extrêmement intéressantes pour le recyclage pour faire des aliments de bétails par exemple.
Ce ne sont pas que les sociétés françaises qui font de l’ombre en tant que tel. Mais les difficultés d’accès au crédit pour accéder à la technologie et toutes les incitations gouvernementales qui favorisent plus les investisseurs étrangers, sans compter les retards dans le paiement de la dette intérieure aux petites et moyennes entreprises ivoiriennes. Mais l’essentiel réside dans la mise à niveau en termes de formation et compétence pour les producteurs locaux qui ne pourront pas conserver leur pouvoir d’achat en se contentant de produire sans renouvellement des champs de cacao, sans séchage automatisée et donc sans énergie à coût abordable et sans un transport et un emballage peu cher pour les acheminements vers les centres urbains. Donc l’Etat peut soutenir mieux ses entreprises locales. Il suffit d’ailleurs de comparer les incitations pour une transformation locale de la matière première comme le cacao entre la Côte d’Ivoire et le Ghana pour comprendre que le Ghana a une longueur d’avance sur la Côte d’Ivoire et pousse vers la décentralisation dans chaque région du pays. Les liens étroits entre la Côte d’Ivoire et la France dans le cadre de réseaux ésotériques et d’oligarchies financières impactent la filière du cacao et des matières premières en général, ce qui d’ailleurs posent un problème d’efficacité et de compétitivité à moyen terme. Car, demain, les équipements de moins en moins chers sur le marché pour transformer les matières premières agricoles devraient permettre de s’affranchir de la dépendance actuelle envers certains pays qui refusent de se débarrasser d’une approche néocoloniale de la transformation de la matière première en Afrique.
8. RT France : Alors quelles solutions et quels modèles de transformation qui permettraient de rattraper le retard ? Est-ce que la diversification serait la solution ?
YEA : La solution réside dans le changement du logiciel culturel tant des dirigeants et opérateurs africains sur la maîtrise de la chaine de valeurs ajoutées à tous les niveaux. Chacun doit analyser cette chaine de valeurs ajoutée dans le cacao ou toutes matières premières et se positionner là où il ou elle a un avantage compétitif. Cela ne pourra pas se faire sans une montée en gamme en termes d’achat de technologies et de ligne de production industrielle pour une marché ciblé à l’avance, si possible en dehors des circuits habituels. L’innovation et l’invention de nouvelles utilisations du cacao sur des marchés nouveaux comme la Chine sont à explorer. Enfin, la mise en commun des exploitations sous la forme de groupements d’intérêts économiques ou de sociétés où le capital est diversifié en intégrant la Diaspora serait une piste qui a montré ses preuves en Chine par exemple. La diversification par essence est indispensable. Encore faut-il des études pour savoir quels sont par exemple, les produits vivriers qui peuvent pousser au pied des arbres de cacao et évoluer vers une production bio. L’Etat devrait offrir au moins 1000 bourses de formation rapide de 6 à 12 mois pour les jeunes afin d’augmenter le niveau de compétence et aussi de création d’entreprises si les incitations fiscales sont au rendez-vous… par exemple, pas de taxes pendant les 5 premières années pour un jeune entrepreneur et 10 ans pour une femme entrepreneur… Voici quelques pistes proactives.
Je vous remercie.
9 décembre 2021
Dr. Yves Ekoué AMAÏZO, Directeur de Afrocentricity Think Tank
© Afrocentricity Think Tank & RT France TV.
Notes :
- UNIDO (2021). World Manufacturing Production Statistics for Quarter III 2021. Current pandemic trends bring more uncertainty to economic prospects. UNIDO: Vienna. ↑
- World Bank (2021). Commodity Markets Outlook. October 2021. Urbanization and Commodity Demand. The World Bank Group. Washington D. C. Accessed 7 December 2021. Retrieved from https://openknowledge.worldbank.org/bitstream/handle/10986/36350/CMO-October-2021.pdf ; p. 3. ↑
- Bentele, H. (2021). Draft Report on a European strategy for critical raw materials (2021/2011(INI)). Committee on Industry, Research and Energy European Parliament 2019-2024 (2021). Accessed 7 December 2021. Retrieved from https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/ITRE-PR-693560_EN.pdf ↑
- Bentele, H. (2021). Op. Cit., p. 5. ↑
- Amaïzo, Y. E. (collectif) (2002). L’Afrique est-elle incapable de s’unir ? Lever l’intangibilité des frontières et opter pour un passeport commun. Avec une préface du feu Professeur Joseph Ki-Zerbo. Edition l’Harmattan : Paris, 666 pages ; voir https://www.amazon.fr/LAfrique-est-elle-incapable-Yves-Ekou%C3%A9-Amaizo/dp/2747522563/ref=sr_1_1?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%BD%C3%95%C3%91&keywords=amaizo+l%27afrique+est-elle+incapable+de+s%27unir&qid=1639060958&sr=8-1 ↑