Depuis que le Président Alpha Condé a changé la Constitution guinéenne pour effectuer un troisième mandant anticonstitutionnel alors qu’il n’a pas gagné les élections présidentielles précédentes, il a opté pour une sortie du pouvoir par une insurrection ou un coup d’Etat. En fait, c’est l’échec de la France qui en sous-main a manœuvré pour mettre à la tête de l’Etat une personnalité qu’elle croyait pouvoir manipuler.
1. COUP D’ETAT MILITAIRE CONTRE COUP D’ETAT CONSTITUTIONNEL
Ayant semblé réussir à mater l’insurrection par l’exil de la plupart des responsables de l’opposition guinéenne sans compter les arrestations arbitraires, les check-points dans les quartiers chauds, et la destruction des biens de responsables de l’opposition, c’est le coup d’Etat du 5 septembre 2021 qui a fait sortir par la petite porte le désormais ex-président de la Guinée, Alpha Condé qui a vu son titre de professeur, non confirmé, disparaître instantanément.
Au pouvoir depuis onze années, c’est un commando des Forces spéciales emmené par le colonel Mamady Doumbouya, qu’il a lui-même choisi sur une base ethnique qui l’a renversé et suspendu les institutions.
Les chefs d’Etat de la CEDEAO responsables en premier ressort du non-respect des deux mandats présidentiels qu’ils s’étaient assignés, ont évité d’envoyer Faure Gnassingbé, le président du Togo qui en est à son quatrième mandat présidentiel sur une base illégale et anticonstitutionnelle. C’est donc le président en exercice de la CEDEAO, le Président ghanéen, Nana Akufo-Addo, et le Président ivoirien, Alassane Ouattara, connu pour ses positions alignées sur la France qui ont fait le déplacement pour sauver Alpha Condé, et tout au moins obtenir sa libération.
La junte a repoussé les demandes de la Cédéao concernant la libération de l’ex-président Alpha Condé et l’organisation d’élections dans les six mois
Dans sa conférence de presse du 18 septembre, le colonel Amara Camara, porte-parole de la junte regroupé sous le Comité national du rassemblement et du développement (CNRD), expliqué que le Colonel Doumbouya a gentiment mais fermement repoussés les exigences de la CEDEAO.
Il a rappelé que qu’en Guinée comme au Mali, les élections ne doivent pas être la priorité des transitions. La réalité est que la CEDEAO a systématiquement gagné du temps pour soit renforcé la position du président en situation délicate ou alors a tenté de le remettre en selle. L’expérience aidant, la junte a expliqué à la délégation que les « erreurs du passé » ne seront pas rééditer.
La CEDEAO a systématiquement soutenu tous les coups d’Etat constitutionnel dans la sous-région et n’a aucune légitimité à s’opposer à un coup d’Etat militaire dans la sous-région, dès lors que les organisateurs s’appuient sur la défense des intérêts des peuples.
2. DEFENDRE LES INTERETS DU PEUPLE SOUVERAIN EN GUINEE
La priorité du moment est qu’au même titre que la junte, la CEDEAO apprenne à « écouter les aspirations légitimes du peuple de Guinée » et que « seul le peuple souverain de Guinée décidera de son destin ».
Concernant la libération de l’ex-président Alpha Condé, le colonel Amara a précisé que « l’ancien président demeurera en Guinée » dans un lieu choisi par le CNRD, autrement dit, c’est le gage d’une monnaie d’échange et vraisemblablement pour obtenir les informations sur tous les contrats et accords secrets.
Sur la transition, il est question de refonder l’Etat et de lutter contre la corruption. De ce fait, l’exigence de la CEDEAO d’avoir une transition de six mois a été rejetée par le rééditer Colonel Doumbouya.
Chacun sait que les militaires sont des piètres gestionnaires de l’Etat en Afrique. Aussi, il importe que le Colonel Doumbouya clarifie rapidement le rôle de l’armée pendant et après la transition et fixe un délai à cette transition avec un retour des civils au pouvoir suite à des élections où la vérité des urnes pourra se manifester sans exclusive aucune.
3. LES ERREURS D’ALPHA CONDE
Le 3e mandat de trop repose d’abord sur le fait d’écouter en priorité les conseils de Faure Gnassingbé qui en est à son 4e mandat et d’Alassane Ouattara qui en est à son troisième mandat. Tous ne le font que lorsqu’ils ont l’assurance d’avoir l’appui de la France dans le cadre des accords secrets de défense. Le Président Macky Sall du Sénégal, qui a des velléités d’emprunter la voie illégale du 3e mandat, doit y réfléchir à deux fois.
Mais c’est bien le mauvais service de renseignements qu’Alpha Condé a constitué qui lui a joué un mauvais tour, même si la naïveté sur l’appui et le financement de la France des multinationales notamment le groupe Bolloré S.A. ne peut être occulté.
A force de croire qu’il était un professeur titulaire de chair universitaire alors qu’il n’en est rien, tous les journalistes complaisants qui n’ont pas rétabli la vérité ne l’ont pas aidé.
Plus sérieux, ses services ont été infiltrés au point de choisir des mercenaires franco-guinéens, ex-militaires au service des intérêts français pour assurer sa protection personnelle. Comme tous les militaires putschistes, les assurances passent par la popularité auprès des populations locales. Alors l’esprit du nationalisme et du patriotisme permet d’endormir certains afin d’assoir le pouvoir militaire. Aussi, les actes consensuels posés par la Junte dans les semaines à venir servir de test de leur volonté de « sauver » la Guinée et la remettre sur la voie de la vérité des urnes. Mais compte tenu des clivages ethniques (Peuls, Soussous, Malinkés, etc.) et le vote de proximité des populations, la junte aura besoin d’expertise nationale et internationale pour proposer un vrai projet de société commun et la refondation des partis politiques où au-delà de 50 % des postes à responsabilité dans un parti politique ne peut revenir à une même ethnie, et si possible 50 % des postes à des femmes en tenant compte des équilibres de génération entre jeunes et moins jeunes.
Toutefois, pour que la Guinée qui est indépendante monétairement ne retombe pas dans l’engrenage du Franc CFA ou la révision des contrats miniers sur la base des pressions des oligarchies financières ou de certains Etats puissants, le Colonel Doumbouya devra rapidement s’évertuer à trouver de nouvelles alliances militaires avec des puissances qui puissent tenir tête à celle qui fait de l’ingérence depuis toujours en Guinée. A défaut, c’est le jeu des compromis et compromissions qui finira par l’emporter lui-aussi.
4. METTRE SUR LA PLACE PUBLIQUE LE ROLE DE CERTAINS CONSEILLERS DE L’OMBRE
Les inégalités et les brutalités héritées de l’ère d’Alpha Condé doivent s’arrêter. La libération des prisonniers politiques et le retour de nombreux exilés sont des signes prometteurs. Mais la transparence et la prévisibilité des décisions et leur respect ne pourront que servir à refonder le logiciel culturel d’un pays qui a mis haut sa soif d’indépendance politique avant l’indépendance économique. Cette fois-ci, le deux doivent aller de pair.
L’alternative pacifique passe de fait par une suspension de la CEDEAO pour pouvoir mener une transition au rythme du peuple guinéen. La clarification de la Guinée sur les accords secrets de défense et les liens qui unissaient le pouvoir d’Alpha Condé avec la multinationale Bolloré S.E. et l’ex-président Nicolas Sarkozy ou l’ex-Premier ministre Tony Blair en Guinée sont de nature à consolider le pouvoir de la transition si ces secrets venaient à transparaître sur la place publique.
Mais rien ne vaut la justice et les explications publiques de l’ex-président Alpha Condé devant le peuple guinéen, ce en tout respect de ses droits comme le stipule la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples. YEA.
28 septembre 2021
Dr. Yves Ekoué AMAÏZO
Directeur Afrocentricity Think Tank.
©Afrocentricity Think Tank.
5. Fenêtre sur l’Afrique du 25 septembre 2021 sur kanal K et Avulete
Débat Panafricain
Journaliste : Sylvain Amos, Journaliste, Présentateur de “Fenêtre sur l’Afrique”
Radio Kanal K, Aarau
Suisse
Tel: 0041 79 641 60 50
sujet : Coup d’État militaire en Guinée Conakry; Jusqu’à quand va durer le bras de fer entre le colonel Mamady Doumbouya et la CEDEAO?
Invités:
1- Souleymane Konaté, Coordinateur Adjoint de la cellule de communication de l’UFDG, Union des Forces Démocratiques de Guinée
2- Roland Fodé, Anti-Impérialiste, Panafricain et Internationaliste
3- Ibrahima Bah, Membre du FNDC Suisse, Front National pour la Défense de la Constitution
4-Dr Yves Ekoué Amaïzo, Coordinateur de CVU-Togo Diaspora, Collectif pour la vérité des Urnes.
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