Le Journal des Auditeurs – JDA – 2 mai 2012 – 13h30 – 14h00.
Eugénie Diécky reçoit Dr Yves Ekoué Amaïzo, Consultant International en management des projets internationaux et Chroniqueur sur La Radio Africaine, www.africa1.com
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Thème : L’Afrique dans l’entre-deux tours de la présidentielle française : Sarkozy et Hollande : du pareil au même ?
1. ED : Est-ce qu’il y a une différence entre Gauche et Droite sur la politique africaine de la France ?
YEA : La politique africaine de la France est en fait la politique de la France en Afrique. Donc, il ne faut pas en priorité rechercher des avantages pour l’Afrique, mais des avantages pour la France. A ce titre, les règnes de Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac, François Mitterrand, ce dernier sur 14 ans, se ressemblent étrangement en termes d’absence de soutien à tout ce qui peut ressembler de près ou de loin à des oppositions républicaines africaines surtout si cela doit conduire à une alternance politique pacifique en Afrique. Toute alternance politique non souhaitée, pour ne pas dire non-maîtrisée, directement ou indirectement, ne peut qu’inverser les priorités, à savoir une gouvernance pour les Africains d’abord, pour la France éventuellement dès lors qu’il y a l’arrivée des pays émergents dont la Chine. Mais la proposition de François Hollande de créer une « francophonie économique » qui ne serait pas une refonte de la « Françafrique » pourrait ouvrir de nouveaux espoirs pour le monde francophone. Toutefois la dissolution du Franc CFA (Franc de la communauté France-Afrique) n’est au programme ni de l’un, ni de l’autre, ni d’ailleurs des chefs d’Etats africains. Les différences doivent reposer sur des actes et moins sur des incantations.
2. ED : Pour ce qui est de l’amélioration de la politique africaine de la France, est-ce qu’il y a une différence entre les deux candidats retenus pour le 2e tour des présidentielles françaises ?
YEA : Je rappelle qu’il vaut mieux parler de la politique de la France en Afrique pour qu’il n’y ait pas de confusion possible. Mr Hollande affiche comme slogan de campagne « le Changement maintenant » et Mr Sarkozy « La France forte ». Pour les Africains non français, ceux qui ne votent donc pas, il est sûr que c’est dans leur grande majorité, c’est le « changement maintenant » qui l’emporterait compte tenu du niveau de pauvreté et le refus de changer le FCFA du président sortant. Mais un nombre non négligeable d’Africains préfèreraient le statu quo dès lors qu’en catimini ils profitent des largesses d’un système françafrique. Pour les Africains français, ceux qui vont voter, le calcul est simple. Qu’est-ce que je peux conserver ou qu’est-ce que j’ai pu obtenir comme amélioration de mon bien-être, (emploi, logement, réduction du harcèlement au faciès, etc.) ? S’il n’y a rien, le changement maintenant risque de l’emporter. La France forte semble promouvoir le statu quo en Afrique francophone alors qu’avec le « Changement maintenant », à la lumière du discours de la Baule qui a renforcé la contrevérité des urnes en Afrique francophone, il s’agit plus d’un pari que d’une adhésion. Donc, les candidats devraient clarifier leur position sur l’Afrique mais surtout sur leur volonté ou non d’enraciner les Africains, car les Africains comme l’Afrique au demeurant sont absents de la campagne électorale.
3. ED : Est-ce que ce n’est pas le maintien ou le renforcement de la Françafrique qui fait la différence entre les deux candidats retenus pour le second tour des élections présidentielles françaises ?
Compte tenu des annonces pré-électorales et les réalisations post-électorales de la gauche et de la droite, il y a lieu de prendre acte et de vérifier sur pièce.
Le bilan du candidat de la « France forte » se résume à des contentieux sur les Africains qui ne seraient pas suffisamment rentrés » dans l’histoire et en France, des attaques assez régulières contre les étrangers et l’islam (les minorités visibles) favorisant ainsi l’amalgame, mais surtout les interventions militaires en Côte d’Ivoire et en Libye répondent plus à la préservation des intérêts de la France en Afrique et une grande irresponsabilité pour l’après-intervention pour ce qui est de Libye, et une grande injustice pour ce qui est de la Côte d’Ivoire.
Le candidat du « changement maintenant » ne cautionnerait pas d’élections frauduleuses. Il a affirmé que les relations entre la France et l’Afrique ne reposeraient pas sur des usages inacceptables. En humaniste convaincu, il devrait aussi aider à limiter les violations des droits humains dans le pré-carré francophone. Mais l’expérience de François Mitterrand qui a envoyé « papa m’a dit » le surnom de son fils qui est devenu l’ami des dictatures africaines ne permet de croire que sur des actes. Mais Nicolas Sarkozy a aussi fait des déclarations fracassantes, Bling-bling diraient certains, pour « éradiquer » la Françafrique… Ses propres ministres qui l’ont cru en ont eu pour leurs frais. Donc espérons que Kofi Yamgnane qui est un conseiller spécial pour l’Afrique de François Hollande ne tombe pas dans le piège de Jean Pierre Cot sous François Mitterrand ou Alain Bockel sous Nicolas Sarkozy.
4. ED : Mais est-ce que la Françafrique peut être éradiqué pour le prochain Président français ?
Je ne le crois pas il s’agit d’un virus mutant qui occupe de nombreux postes décisionnels directement ou indirectement en Afrique. Sans des forces alternatives africaines qui décideront d’exclure les individus adeptes des méthodes de la Françafrique, il faut simplement espérer que les grands scandales seront limités En effet, la fameuse « françafrique » est un vrai réseau d’influence qui permet d’abord de servir les intérêts de la France et par un jeu de vases communicants, les Africains les plus serviles.
Il s’agit d’abord de faire adhérer des dirigeants et même les populations à un principe non écrit qui consiste à servir consciemment ou inconsciemment la France pour trouver 1/un mieux-être et 2/une sécurité-protectionniste dans le cadre d’un statu quo. Ce mieux-être et cette protection sont toutefois limités à ceux qui acceptent d’être associés au jeu des pouvoirs français (pluriel car il y a en France des groupes de pouvoirs et de pression contradictoires dans la volonté d’asservir ou pas l’Afrique francophone).
5. Que proposez-vous comme une des mesures prioritaires qui pourraient contribuer à améliorer la relation entre la France et l’Afrique ?
Alors jusqu’à récemment, le France n’a pas donné l’impression qu’elle s’est opposée à un système de servitude dans les réseaux ésotériques avec des évolutions mafieuses sous couvert de politiques. La France de l’après 6 mai 2012 gagnerait à se distancier économiquement des dirigeants africains qui dirigent sur la base de la « contrevérité des urnes » assortie de la force militaire locale, entraînée par la France, ce sur le budget de l’aide au développement qui pourrait d’ailleurs servir autrement à soutenir l’emploi en Afrique. La France devrait donc supprimer l’aide aux militaires africains non républicains qui, dans leur grande majorité, travaillent contre les citoyens africains et les partis de l’alternance prônant la vérité des urnes et des comptes, parce que cela arrange la Françafrique, et donc indirectement une certaine France.
6. Que doivent voter les Français-Africains : François Hollande ou Nicolas Sarkozy ?
Vous me demandez indirectement ce que je vais voter. Je ne vous le dirais pas. Par contre, je pense que les Français-Africains qui estiment que les partis politiques qui ont plutôt contribué à ne pas les « enraciner en France » au plan de la représentativité électorale ou même à les exclure du jeu politique devraient être sanctionnés. L’appui militaire de la France contre la démocratie en Afrique qui permet d’empêcher les manifestations pacifiques pour la démocratie comme les coups portés par des militaires du Togo aux membres de l’association « Sauvons le Togo » le 27 avril 2012, lors du 52e anniversaire de ce pays, ne doivent plus être passés sous silence.
7. ED : Votre mot de fin ?
YEA : Il faut voter pour le Président français qui avec ou sans bilan africain, propose de renforcer la vérité des urnes en Afrique et de soutenir la croissance en Afrique dans le cadre d’une approche fondée sur la réciprocité et le respect des Africains et des Noirs (hommes comme femmes), tous les Africains d’hier, d’aujourd’hui et de demain, pas que les Africains serviles et dociles. Ce n’est d’ailleurs pas parce-que le vote noir semble négligeable qu’il faut s’abstenir de voter « blanc » si le choix devient impossible.