Grâce à ses principes fondés sur la primauté de la collectivité sur l’individu et l’éthique sur l’égoïsme et l’individualisme, la finance islamique peut contribuer à une prospérité partagée et à une croissance inclusive en Afrique. Il y aura besoin de réformer en profondeur la culture africaine d’accaparement dans les sphères décisionnelles et rendre plus agile le lien entre le bénéficiaire final et les apporteurs de capitaux. La responsabilité de toutes les parties prenantes passe par la mise en place de structures indépendantes de contrôle pour limiter le non-respect des normes éthiques et ouvrir le marché à des pays non musulmans mais qui offrent plus de transparence et moins de corruption.
Une mission impossible qui ne dépend que des dirigeants africains pour devenir possible.
1. FINANCE ISLAMIQUE : OPÉRATIONALISER LES VALEURS ETHIQUES EN OFFRANT UN CREDIT
La finance islamique est fondée sur les principes de Dieu issu de la loi islamique, la charia, avec en filigrane des valeurs éthiques de type qui ressemble à de l’aumône institutionnalisé avec comme objectif un partage équitable et une transparence dans les transactions. Ce n’est pas toujours le cas en Afrique.
Il y a aussi des interdits comme le rejet de l’usure ou ne pas voler son prochain ou qui se traduit par le refus de l’intérêt et de la spéculation et l’amélioration du bien-être de l’ensemble de la collectivité plutôt que du particulier. Les investissements impliquant les jeux de hasard, l’alcool, le porc, les armes, la pornographie sont interdits.
La finance islamique promeut plus la responsabilité sociale à long terme que la rentabilité financière à court terme d’un investissement. Le bénéfice réalisé est partagé entre les partenaires au capital sur une base convenue d’avance, mais les pertes sont assumées par le seul bailleur de fonds principal. Mais il existe de nombreuses clauses dans la pratique qui permettent en fait de rémunérer le prêteur.
2. L’AFRIQUE : UN FAIBLE CONSOMMATEUR DE LA FINANCE ISLAMIQUE AU LIEU D’EN DEVENIR UN ACTEUR
Selon le dernier rapport 2020 de l’agence de notation Standard et Poors (S&P Global Ratings 2020 1), près de 2100 milliards de dollars des Etats-Unis constituent le marché avec une tendance à la croissance qui est passée de 20 % en 2017 à 2 % en 2018 avec des estimations autour de 4-5 % en 2020-2021. Avec la crise sanitaire et les conséquences de la pandémie de la COVID-19, les pronostics sont à réajuster autour de 1,5 % de croissance de ce marché en général pour 2021, et vraisemblablement réorienté vers les pays offrant une responsabilité sociale et de la transparence dans la gouvernance économique de leur pays.
Il faut rappeler qu’il n’existe aucune banque africaine parmi les 17 premières banques qualifiées de banques islamiques, ni aucune banque africaine parmi les 27 premières banques conventionnelles qui offrent de la finance islamique.
L’immobilier et les infrastructures constituent plus de 70 % des secteurs financés. A peine 10 % dans les secteurs financiers… Mais la réalité est qu’une faible profitabilité constitue le principal handicap de la finance islamique. L’Afrique présente l’avantage d’avoir besoin de tels financements pour son infrastructure et ses projets sociaux notamment les hôpitaux et la santé, et même l’éducation et les universités.
La région Moyen-Orient, Afrique et Asie du Sud continue d’être un acteur régulier dans une en croissance modérée, bien que la part de l’Afrique reste étonnamment faible, avec environ 2,2 % en 2019.
L’Afrique n’est de fait qu’un faible consommateur de la finance islamique au lieu de s’organiser, à partir de l’épargne important en circulation, pour en devenir un acteur et utiliser les apports extérieurs comme un effet de levier puissant pour accélérer le développement de ces infrastructures de communication, de santé et d’éducation. Mais encore faut-il savoir respecter les valeurs éthiques qui fondent la finance islamique.
3. FINANCE ISLAMIQUE EN AFRIQUE : UN MARCHÉ PROMETTEUR
Mais en 2020, l’Afrique ne constituait que moins de 3 % de l’ensemble des encours de la finance islamique. La raison de ce faible engagement sur le continent réside dans le non-respect des engagements au plan de la responsabilité sociale et la corruption de nombreux responsables gouvernementaux contribue à freiner l’essor de cet instrument bancaire.
Il suffit pourtant d’avoir plus de transparence et moins de corruption pour qu’une partie bien plus importante de cette « manne » financière sert de levier à la construction de l’Afrique. YEA.
9 janvier 2021.
Dr. Yves Ekoué AMAÏZO
Directeur du groupe de réflexion, d’action et d’influence
Afrocentricity Think Tank
Contact : yeamaizo@afrocentricity.info
© Afrocentricity Think Tank
Notes:
- S&P Global Ratings (2020). Islamic Finance Outlook 2020 Edition. Standard & Poor’s Financial Services LLC. Accessed 08 January 2021. From https://www.spglobal.com/_assets/documents/ratings/research/islamic_finance_2020_screen.pdf ; see spglobal.com/ratings ↩