Il est temps d’oublier que l’aide publique au développement résout les problèmes. Il s’agit d’abord de s’organiser pour que l’essentiel retourne à la source. La diaspora africaine, avec beaucoup de nostalgie et de sacrifice, a choisi d’envoyer son épargne pour réduire les écarts d’injustices criardes. Mais voilà, l’argent envoyé est ponctionné par des intermédiaires qui oublient qu’ils peuvent disparaître dans le circuit et contribuer ainsi à réduire la pauvreté. En réalité, la Diaspora africaine devrait expliquer aux bailleurs de fonds comment on envoie de l’argent sans conditionnalités avec des résultats tangibles.
1. La Diaspora africaine n’exploite pas ceux restés au pays
Sur les 245 milliards d’euros envoyés par les différentes Diaspora du monde dans leur pays d’origine en 2010, un peu plus de 12 % revient à la Diaspora africaine avec 30 milliards d’Euro. Ces chiffres sont issus d’un rapport conjoint entre le groupe de la Banque africaine de développement 1 (BAD) et celui de la Banque mondiale 2. Ces deux institutions s’accordent pour dire que le transfert d’argent de la diaspora africaine est supérieur au montant transféré sous forme d’aide publique du développement (APD) ou même d’investissement étranger direct (IDE). Ce que ces deux institutions oublient de mentionner et c’est ce qui fait la spécificité des fonds transférés par la Diaspora, c’est que la Diaspora n’exige aucune contrepartie, aucune conditionnalités, aucun forme de servilité ou de dépendance.
Alors il suffit de rappeler qu’il s’agit d’épargne provenant de durs labeurs et envoyée pour réduire la pauvreté grandissante malgré des statistiques trompeuses de ces mêmes organisations internationales. Alors il y a une double arnaque sur l’épargne transférée par la diaspora.
De manière générale, il est impensable de ne pas favoriser ces transferts. Pourtant les Etats africains au lieu de se comporter en simple facilitateur et régulateur du système de transfert, se retrouvent à favoriser ceux qui font des ponctions importantes sur ces transferts. Il arrive que l’Etat africain et ses ramifications claniques finissent par être les premiers bénéficiaires des ponctions perçues sur les sociétés de transfert d’argent de la Diaspora. Pourtant, il aurait suffi que les banques de développement ou les institutions de micro-finance ou micro-crédit en Afrique bénéficient d’une défiscalisation totale ou partielle pour que les transferts d’argent se fassent pratiquement sans commission et à un taux proche de zéro. Non, il n’en est rien. Ce sont des sommes variant entre 3 % et 30 % qui sont perçues sans contreparties réelles, parfois sans justification réelle. Alors, il paraît que le transfert est « instantané ». Oui, mais ce n’est qu’un jeu d’écriture. L’infrastructure de transfert d’argent a largement été amortie et les coûts exorbitants pratiqués malgré une certaine concurrence ne sont plus tolérables. C’est une taxe du secteur privé sur l’épargne des Africains de la diaspora.
2. Discrimination financière institutionnalisée aux dépens de la Diaspora africaine
Alors l’arnaque est encore plus grande lorsque l’on est en zone franc faisant usage du Franc CFA. Chacun a fait sa critique du système qui passe par le Trésor français. Le FCFA devrait d’ailleurs s’appeler l’Euro CFA pour refléter la réalité car le Franc CFA est bien une micro-entité de l’Euro. A ce titre, les pays de la zone franc, au plan monétaire, sont dans l’Euro. D’ailleurs la convertibilité n’est garantie en fait qu’à travers l’Euro. Alors, quel est le problème ? Le problème est que si le FCFA est dans l’Euro, alors tout transfert d’argent au sein de la zone euro notamment passant par les comptes IBAN ne devraient rien couter ni à l’envoyeur, ni au receveur comme cela se pratique aujourd’hui au sein de l’Union européenne. Alors pourquoi cette discrimination financière ? S’agit-il d’un racisme financier vis-à-vis de la Diaspora africaine de la zone franc ? Non, il ne s’agit que d’une discrimination financière que la Diaspora africaine, mal organisée, refuse d’attaquer au tribunal.
Il suffirait pourtant d’un collectif d’avocats qui se penche sérieusement sur ce dossier pour prouver qu’il y a discrimination au sein de la zone Euro. Cela devrait conduire à un véritable changement dans les lois dolosives et ségrégationnistes envers la Diaspora africaine francophone et éventuellement des dommages et intérêts qui pourraient nourrir nombre d’organisations de la société civile… il s’agit malgré tout d’une moyenne d’environ 300 millions d’Euros qui s’évaporent dans les poches de sociétés privées, obligées de servir les « surplus » demandés par certains Etats africains considérant la Diaspora comme des vaches à lait.
Alors s’agit-il de réduire les coûts des transferts d’argent des migrants seulement ? Comme l’essentiel de l’argent se transmet en liquide et dans le secteur informel pour échapper à cette véritable taxe du secteur privé, il est difficile de pouvoir structurer ses fonds pour passer de fonds liquides vers des fonds pouvant financer des activités à moyen et long-terme. Peut-être justement que les banques de développement, trop occupées à ne prendre aucun risque en s’appuyant sur la garantie de l’Etat africain et les conditionnalités 3, ont oublié leur vraie fonction d’intermédiation. Il ne reste alors peut-être plus à la Diaspora africaine qu’à se prendre en charge pour créer sa Banque de la Diaspora, une idée promue depuis des années par Sanou Mbaye 4, un économiste sénégalais que ces mêmes institutions semblent snober. YEA.
Notes:
- Yves Ekoué Amaïzo (2010). « Au service du développement de l’Afrique. Une banque entre finance et solidarité », in Le Monde diplomatique, mai 2010, p. I, II et III in Supplément, voir < http://www.monde-diplomatique.fr/2010/05/AMAIZO/19129> accédé le 2 mars 2012. ↩
- BAD et Banque mondiale (2011). Optimisation du phénomène migratoire pour l’Afrique. Envois de fonds, compétences et investissements, voir <http://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Generic-Documents/2011%20LeveragingMigrationforAfricaFR.pdf>, accédé le 2 mars2012. ↩
- Yves Ekoué Amaïzo (2010). Crise financière mondiale. Des réponses alternatives de l’Afrique, « collection interdépendance africaine », éditions Menaibuc : Paris. ↩
- Sanou Mbaye (2012). « Un mandat de trop pour le président Wade. Décollage africain, marasme sénégalais », in Le Monde diplomatique, février 2012, p. 17, voir < http://www.monde-diplomatique.fr/2012/02/MBAYE/47388> accédé le 2 mars 2012. ↩