La persistance de la crise économique en Europe est en train de modifier les idées reçues. Le nombre d’Africains s’intéressant à l’Europe diminue.
1. Le retournement du monde :
L’Asie, l’Amérique du nord et même l’Amérique latine commencent à émerger comme des pôles de destination. Mais ce qui est plus nouveau et semble perdurer est la migration de certains Européens eux-mêmes. La classe moyenne, les expertises européennes, ne trouvant plus de débouchés en Europe ou simplement sous-payées ou même marginalisées notamment les jeunes disposant ou pas d’une compétence choisissent de plus en plus l’émigration : vers l’Amérique latine, dès lors que l’on maîtrise ou pas d’ailleurs, l’espagnol et le portugais. Il suffit de citer le Mexique, le Brésil, le Pérou, la Colombie et l’Argentine 1 dès lors que l’on n’a pas la peau noire, car de nombreux héritiers du nazisme y ont trouvé asile.
En moins de 15 ans, le nouvel ordre économique mondial s’est fait malgré les nombreux G7 et G8 qui excluaient pourtant les pays du Sud. Aujourd’hui, le G20 est obligé d’aller les chercher pour « rester » riche. Alors, on utilise un euphémisme pour parler de la montée des pays considérés comme pauvres il y a encore quelques décennies. Quel retournement du monde ! Mais quel retournement du centre de gravité de la puissance ? Mais rien n’est encore terminé. Quand l’Afrique se réveillera de sa torpeur institutionnalisée, les cartes de séjour pourraient devenir le seul moyen d’entrer en Afrique pour des gouvernants européens qui seront alors forcés à reconsidérer leur conception de la solidarité. L’Afrique ne peut que les y encourager.
2. Afrique : Le retournement de « l’immigration choisie »
Ceux qui formulent des politiques migratoires fondées sur le concept « d’immigration choisie » pourraient crier à la discrimination dès lors que ce concept se met à s’appliquer à l’encontre des Européens qui commencent à chercher leur bonheur en dehors de l’Union européenne. Il suffit de voir comment de nombreuses populations grecques n’ont plus rien à perdre et s’interrogent sur les conditions d’émigration vers le côté africain de la Méditerranée…
En termes de puissance, Le Centre londonien de recherche sur l’économie et les affaires ( CEBR – Centre for Economics and Business Research 2) a déterminé que les économies doivent être classées comme suit en 2012 : 1er les Etats-Unis, 2e la Chine, 3e le Japon, 4e l’Allemagne, 5e la France, 6e le Brésil… Mais en regardant de près les prévisions, d’ici 2030, l’ordre change… 1er la Chine, 2e les Etats-Unis, 3e l’Inde et 4e le Brésil… alors où sont les Africains… Il faut attendre 2050-2060 pour espérer voir l’Afrique du Sud ou le Nigeria apparaître dans les 10 premiers et encore ce n’est pas sûr… Alors le secret réside dans la capacité à maîtriser les coûts énergétiques… Le Brésil mise à fond sur le vent… les éoliennes sont implantées de partout, préservent l’environnement… L’énergie est tirée de l’eau avec les barrages, etc. Bref, tant que l’Afrique ne considèrera pas que les ressources obtenues gratuitement comme le soleil pour l’énergie solaire, ou l’argile pour ce qui est des matériaux de construction, ou encore l’eau doivent faire l’objet d’un recyclage au profit des Africains en priorité, alors la renaissance africaine se fera par paliers avec d’énormes disparités et d’inégalités. Les statistiques officielles continueront à repousser l’émergence des économies africaines dans un futur lointain. Il ne s’agit pas de l’émergence des politiciens qui croient qu’il suffit d’affirmer l’émergence d’un Etat pour que cela s’opère comme par magie. L’émergence, c’est un état d’esprit. Cela ne peut reposer sur l’usurpation de la vérité des urnes, ni sur l’usurpation des richesses africaines au profit d’un petit nombre.
3. Compter sur le marché intérieur et l’économie de proximité
A côté d’une marge de manœuvre économique de plus en plus grande, les pays d’Amérique latine sont en train de faire la démonstration qu’ils peuvent compter sur leur marché intérieur. Comment ? Ils n’oublient pas d’assurer une protection du pouvoir d’achat et veiller à ce que les populations commencent à avoir les moyens de consommer… Les ressources naturelles diversifiées et abondantes sont systématiquement mises au service du plus grand nombre, même si ici et là, les inégalités sont encore criardes. Mais c’est la tendance qu’il faut observer. A part peut-être quelques pays du Maghreb, l’Afrique du Sud, Maurice, le Kenya et le Nigeria, le marché intérieur est assez régulièrement et systématiquement oublié par les gouvernants africains. Pourtant, c’est l’économie de proximité qui fondera l’avenir de la puissance des économies africaines. Refaire les erreurs de stratégie du tout export en optant pour le coton au lieu de faire des produits vivriers pourrait à terme condamner l’Afrique à une autodestruction. La prise de conscience est pourtant réelle auprès des populations jeunes qui peinent à faire entendre leur voix.
4. Se méfier de la postcolonie françafricaine
Qui peut croire aujourd’hui en mars 2012 que l’Afrique qui était à la dérive il y a encore une vingtaine d’années, sera en train d’émerger d’ici une quinzaine d’années. Les éléphants blancs, ces industries qui servaient uniquement à faire transférer l’aide au développement et les crédits vers les poches des amis de la corruption, ce qui intègre les corrupteurs, ne seront plus qu’un lointain souvenir. La croissance retrouvée mais non encore véritablement partagée commence à attirer les compétences européennes. Quel retournement du monde ! Mais il ne faudrait pas que cela ressemble à une nouvelle forme de post-colonisation à la sauce françafricaine. La société civile africaine veille au grain. Il s’agit bien sûr du grain de sorgho. YEA.
Notes:
- Ogmios-Economics (). « L’Amérique latine : planche de salut pour les compétences européennes sous-valorisées », in Cadrexport online, voir < http://www.cadre-export.fr/spip/L-Amerique-latine-planche-de-salut-11029.html>, accédé le 3 mars 2012. ↩
- CEBR (2011). «Brazil has overtaken the UK’s GDP”, voir < http://www.cebr.com/wp-content/uploads/Cebr-World-Economic-League-Table-press-release-26-December-2011.pdf>, accédé le 3 mars 2012. ↩