RADIO KANAL K www.kanalk.ch ou sur www.cvu-togo-diaspora.org (cliquer média) EMISSION ‘FENETRE SUR AFRIQUE’ en Suisse
Samedi 1er juin 2013, 19h – 20h Journaliste : Sylvain Amos (SA)
Thème : 50 ans de l’Union africaine (UA) : quel bilan et quelles perspectives d’avenir pour l’Afrique ?
Invités et débat avec :
- Dr. Yves Ekoué AMAÏZO, Coordonnateur général du Collective pour la Vérité des Urnes – Diaspora, Consultant international et Auteur.
- Dr. Lazare Ki-Zerbo, Fonctionnaire de l’Organisation internationale de la Francophonie, Direction des Droits de l’Hommes et Auteur
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Contribution du Dr Yves Ekoué AMAÏZO, voir plus bas Débat :
écouter La 2ème partie : Radio Kanal K – Fenêtre sur l’Afrique du 1 Juin 2013
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1. SA : Une grande messe réunissant à Addis-Abeba des chefs d’états africains, de gouvernement et de personnalités de haut rang, y compris le Président français François Hollande, s’est tenue le 25-26 mai 2013 pour commémorer le 50ème anniversaire de l’OUA/UA. Quel est l’état des lieux aujourd’hui sur l’unité du continent selon vous ? Et pourquoi François Hollande à Addis-Abeba ?
YEA. Merci pour l’invitation. Il fut question de réunir les Chefs d’Etat africains et des « amis de l’Afrique » pour en principe fêter le 50e anniversaire de l’Union Africaine, créée en 1963 au nom de l’Organisation de l’Unité Africaine. Pour éviter de gâcher la fête, personne n’a osé parler d’un bilan, d’ailleurs en général les chefs d’Etats africains, autocrates pour une grande majorité n’aiment pas les bilans et autres audits, sauf pour s’en servir pour sanctionner un adversaire. Alors, le bilan des 50 ans malgré le passage de l’OUA à l’UA en 2000, est simplement mauvais. Dire que c’est mitigé, c’est témoigner d’une hypocrisie qui n’est plus de mise, surtout que cela fait plus de 10 ans que les 54 pays de l’Union africaine, le Maroc, s’étant retiré de l’organisation, ont collectivement une croissance positive oscillant entre 4-5 % de leur produit intérieur brut réel (PIB) en moyenne. C’est le Président Alpha Condé, qui avec son franc parler, a mis les pieds dans le plat et a déclaré le 26 mai 2013 ceci suite aux déclarations d’impuissance de l’Union africaine d’assurer la paix et la sécurité sur le continent, notamment en référence au cas malien : « C’est une honte pour nous que 50 ans après, on soit obligés d’applaudir la France », tout en rajoutant aussitôt qu’il saluait l’intervention de la France au Mali. Pour la visite du Président français, François Hollande, c’est une marque de respect car il était le seul chef d’Etat. Il a été malgré tout applaudi pour son intervention courageuse en ces temps de restriction budgétaire mais son invitation à organiser une réunion sur la sécurité de l’Afrique à Paris aurait remporté un franc succès s’il avait choisi de faire cette conférence en Afrique. Sans vouloir verser dans le défaitisme, mais tout en me préservant du satisfecit hypocrite des dirigeants africains, l’organisation africaine a certes fait des progrès au plan bureaucratique en transformant l’OUA en UA, une sorte d’organisation des Nations africaines calquées maladroitement sur le fonctionnement des nations Unies et important l’essentiel de ses handicaps, mais l’UA (conférence des chefs d’Etats et la Commission de l’UA) ont été incapables :
- d’introduire de la démocratie directe et simple dans son mode de prise de décision, d’où des retards et des non-dits préjudiciables à des avancées rapides ;
- d’assurer sur ses propres ressources budgétaires le financement du fonctionnement et des engagements sectoriels de l’UA ;
- d’avoir un mécanisme de coordination de sa monnaie et de soutien à des pays en difficulté financière de balance des paiements et retarde de fait son avènement comme le Fonds monétaire africain (FMA) ou la monnaie commune africaine ;
- de faire progresser l’unité des Africains par la levée de l’intangibilité des frontières au moins par l’harmonisation des visas et un passeport commun entre pays africains entre les différentes régions d’Afrique 1 ; La crise du Mali et du Sahel, comme celle du Soudan Sud, de l’Erythrée et même de la Somalie, ne sont en fait que des signes avant-coureurs des externalités négatives causées par le dogmatisme des dirigeants africains de continuer à s’organiser sur des bases de frontières coloniales ne respectant pas les cultures, les civilisations et les peuples ;
- de mettre en place ses propres instruments juridiques et économiques de souveraineté et d’indépendance au lieu de recourir à la Cour Pénale internationale pour traiter des différends électoraux comme pour le cas de Laurent Gbagbo ou dépendre principalement des institutions de Bretton-Woods pour accéder à des fonds internationaux ;
- De donner la priorité à l’industrialisation et au développement des capacités productives pour introduire la productivité dans les chaines de valeur où mines, agriculture, industrie, service serviraient d’effet de levier pour la création de richesses partagées ;
- De ne pas avoir transféré l’essentiel des richesses tirées des matières premières entre 1960-2000 vers les infrastructures de bien-être et de communication, limitant en cela l’amélioration du pouvoir d’achat, la création d’emplois décents et le nombre d’Africains qui auraient dû passer de la classe pauvre à la classe moyenne ; et enfin (liste non exhaustive)
- De proposer une vision à long-terme couvrant la période 2013-2063 par refus des uns et des autres de fournir le budget, espérant que ce soit les pays occidentaux qui vont financer le budget devant présenter la vision africaine en 2063.
Collectivement parlant, et au lieu de continuer à verser dans l’autosatisfaction, c’est bien de l’incurie d’une majorité des chefs d’Etats africains et de leur irresponsabilité face à l’histoire et à la génération future dont il faut parler lors de ce cinquantenaire. Il ne s’agit pas d’une fête mais bien d’un deuil de cette institution qu’il faudra célébrer un jour, en espérant d’ailleurs que dans une nouvelle gouvernance participative, la Diaspora africaine sera mieux représentée avec des structures propres et autonomes en termes de prise de décision. Par ailleurs, au lieu de s’occuper du présent, l’Union africaine avait choisi de présenter un document stratégique avec des objectifs à atteindre en 2063, soit dans 50 ans. La honte fut de découvrir que ce document que devait présenter le Président en exercice de l’UA, le chef d’Etat éthiopien, le Premier ministre Hailemariam Desalegn, a constaté que ce document, ne ressemblait même pas encore à un document élaboré permettant d’entamer les discussions. Non seulement, les Etats africains ne font pas de propositions sérieuses, mais n’apportent pas de budget pour soutenir leurs ambitions, et en définitive, s’en foutent… Oui, il faut commencer par dire qu’un lion est un lion, et arrêter la langue de bois d’ébène que les chefs d’Etat et leurs médias d’Etat ont systématiquement utilisée pour tromper les populations africaines, trop naïves sur la capacité des chefs d’Etat pour les rouler dans la farine de manioc, quitte à les acheter pour mieux préserver leur pouvoir. Mais au fait, il y a quand même eu un cadeau d’anniversaire qui est venu, sans arrière-pensée, de la Présidente du Brésil, Dilma Rousseff avec plus de 900 millions de $ US d’annulation des créances brésiliennes sur l’Afrique 2. Une coupure d’électricité a précédé son discours, ce qui a fait croire à une volonté de retarder cette annonce importante pour l’Afrique. La France et les Etats-Unis n’ont rien annoncé sur ce plan… C’est bien le monde à l’envers.
2. SA : Deux cultures s’affrontent depuis toujours quand il s’agit de l’Unité Africaine. Une culture qui porte la vision du panafricanisme selon les pères fondateurs tels que Kwame Nkrumah, Julius Nyerere, Amilcar Cabral, … et l’autre, la culture de l’affairisme qui porte et supporte le colonialisme sous toutes ses formes. A regarder l’état du continent, cette dernière semble majoritaire. L’Unité Africaine peut-elle se mettre en œuvre par des leaders qui ne sont pas des panafricanistes convaincus ? Si je peux me permettre, c’est comme si on demandait à des pâtissiers de construire des routes, non ?
YEA. Attention, un pâtissier peut prendre le contrôle d’une société de construction d’une route et réaliser la route. Mais, un dirigeant africain qui n’est panafricaniste que sur papier et n’y croit pas, ne peut réaliser l’idéal des pères fondateurs, et au-delà, des aspirations profondes des populations pour l’unité des Africains. Rappelons encore une fois que l’Afrique ne connaissait pas les frontières avant l’arrivée des colons mercantilistes. Les frontières étaient souvent plus des ponts, des passerelles vers d’autres cultures et des principes d’intégration pacifiques avaient été mis en place pour solder les différends pacifiquement. Alors, est-ce que les deux visions coexistent encore aujourd’hui au sein de l’Union africaine ? Permettez-moi d’en douter. Il y a d’autres clivages qui persistent comme entre les francophones et les anglophones avec en toile de fond la préservation des chasses gardées ou des pré-carrés occidentaux, même l’arrivée des pays émergents et la diversification des partenaires commerciaux semblent changer la donne de manière accélérée. Il y a les groupes ésotériques qui s’affrontent et le jeu consiste à ne pas travailler mais à bloquer la capacité d’agir des dirigeants de l’Union africaine. Ceci est tellement prégnant que la nouvelle Présidente de l’Union africaine, Mme Nkosazana Dlamini-Zuma a dû mettre en place un cabinet informel pour voir clair dans ce qui se passe derrière son dos… Bref, le jeu consiste actuellement à faire tomber celui ou celle qui n’est pas celui ou celle que l’on veut nommer à un poste… Dans ces circonstances, l’UA fait un pas en avant et en fait cinq en arrière, et chacun semble s’accommoder de ce mode de gouvernance. Il y a comme un complexe d’autorité surtout des pays sans puissance économique réelle qui usent de la puissance des anciennes puissances coloniales pour faire un jeu trouble au sein de l’Union africaine. Lorsqu’ils sont identifiés comme tels, ils jouent la neutralité. D’où le titre d’un livre collectif que j’ai dirigé sur la neutralisé coupable comme une forme d’autocensure des dirigeants africains afin de mieux freiner les alternatives et les avancées sur le continent 3.
3. SA : Des voix s’élèvent de plus en plus en Afrique et dans sa Diaspora pour demander la création d’une monnaie commune pour l’Afrique. Peut-être que la guerre mondiale des monnaies (dollar, euro, yen, yuan) a fini par ouvrir les yeux aux Africains. Une Afrique libérée et émancipée, ne passe-t-elle pas forcément par le rejet du franc CFA (signifiant historiquement « Franc des Colonies Françaises d’Afrique ») dont on sait qu’il est arrimé monétairement à l’euro aujourd’hui après le franc français hier ?
YEA. La création d’une monnaie unique et d’une banque centrale africaine a été demandée en 1963 en même temps que la banque de développement africaine. La BAD a été créée mais les autres institutions comme la banque centrale, le fonds monétaire africain (pour ne citer qu’elles) n’ont pas été créées à ce jour. Il ne faut donc pas faire du cas de la monnaie FCFA un cas isolé. Il y a une stratégie de ne pas travailler ensemble sur une monnaie commune même au niveau sous-régional, ce qui explique qu’il n’y a aucune monnaie sous-régionale commune aujourd’hui 50 ans après que les Pères fondateurs de l’OUA l’aient demandée. Sur le cas spécifique de la zone franc, s’il est vrai que la voix de la France, le seul pays non africain dans le conseil d’administration de la zone Franc est prépondérante au point d’être un véto, il faut aussi noter que les autres chefs d’Etats africains francophones s’en accommodent et ne souhaitent pas de changement ou plutôt souhaitent un statu quo. Il suffit pour les chefs d’Etat de l’Afrique centrale (CEMAC) de tenir cette position pour que la France de François Hollande puisse en accepter le principe, quitte à en discuter les modalités. Les chefs d’Etat africains ne sont donc pas du tout au diapason des peuples africains. Mais rien d’étonnant à cela, pour la plupart, ils en sont encore à pratiquer la contrevérité des urnes pour se maintenir au pouvoir et ne reflètent donc pas le choix souverain des peuples africains. Ils ne peuvent donc pas représenter dignement la volonté des peuples. Alors que le peuple souhaite la disparition du Franc CFA, c’est une chose, encore faut-il accepter d’aller vers une discipline monétaire et avoir des budgets d’Etat équilibrés voire en excédent afin de permettre la mise en place d’un mécanisme de solidarité financière, prévu d’ailleurs par les pères fondateurs en 1963. Ce n’est donc pas d’aujourd’hui que des Africains sérieux et conscients proposent des solutions transitoires et définitives de sortie de la zone franc. Les experts économistes de l’Union africaine (dont je fais partie) ont quatre volumes qui ne traitent que de ce sujet. La mise en œuvre des recommandations est restée lettre morte. Il faut donc rechercher les responsabilités en interne aussi.
4. SA. Dans les années 60, Aimé Césaire dans son poème « Ode à la Guinée » rend hommage au paysan. « De ta daba, frappe, paysan frappe ! ». De nos jours, la question de l’accaparement des terres est un autre crime infligé à l’Afrique. Les exemples de Madagascar et de la Zambie entre autres sont très éloquents. Sans « paysan », l’unité Africaine est-elle possible ? Sans « paysan », le Panafricanisme n’est-il pas un leurre ?
YEA. Attention, vous ne trouverez pas de Chefs d’Etat africains, qui ne rendent pas hommage au monde paysan ou au monde rural. L’essentiel des élections truquées se font dans l’achat des consciences dans les zones rurales moins contrôlées avec une population moins instruite et moins informée. Le problème est mal posé. Ce n’est pas une Union africaine sans le monde rural dont il est question. Il y a même un Commissaire en charge de l’agriculture. C’est que l’on se trompe systématiquement d’objectifs. Que ce soit l’agriculture, l’industrie ou le commerce pour ne prendre que ses exemples, il faut introduire de la productivité et des contenus technologiques. C’est un travail qui demande d’y associer le secteur privé africain et de le laisser s’organiser sans interférences intempestives des gouvernements africains. Mais ce n’est pas ce qui se passe. Les gouvernements africains sont des adeptes de l’interventionnisme d’Etat, souvent en tout mépris des lois existantes, préférant d’ailleurs l’abus du droit et de la puissance régalienne. L’accaparement des terres africaines fait partie d’une approche plus systémique d’accaparement des richesses africaines comme au temps colonial. Mais on vit aujourd’hui encore en situation de postcolonie avec des élites dirigeantes africaines souvent encore à la solde ou à l’écoute du dictat des dirigeants des pays ex-colonisateurs ou alors de leurs bras avancés que sont les transnationales privées, plus flexibles pour permettre d’user de la corruption et de passe-droits pour obtenir les contrats. Mais ici et là, comme au Togo, se mettent en place des fonds souverains nationaux avec un capital à 100 % public comme la récente société « Togo Invest Corporation », créée en fin mai 2013 au Togo, mais dont la gestion et la concession est donnée à une structure non transparente censée aspirer l’essentiel des richesses minières du pays, ce dans une opacité d’exécution exemplaire. L’accaparement des terres est une décision d’abord des chefs d’Etat africains de concéder pour 50 à 99 ans renouvelables, ou de céder à des riches Etats ou entités étrangères des pans entiers des économies africaines. Votre question n’est pas donc une Union africaine sans un paysan ou pas, c’est une Union Africaine qui sans union risque de voir chacun des chefs d’Etat non responsables, vendre une partie importante de son territoire, empocher les dividendes sous le couvert de l’Etat et empêcher la vérité des comptes. L’accaparement des terres ressemble plus à un véritable racket des richesses africaines, avec des complicités nationales et internationales, ce à très haut niveau. L’Union africaine n’a aucun moyen de contrôle, ni de sanctions sur de tels agissements qui relèvent du gangstérisme étatique. Dans de telles circonstances, il ne s’agit plus de panafricanisme, mais d’associations de malfaiteurs de haut vol. Le panafricanisme appartient pour le moment aux livres d’histoire, en attendant une nouvelle génération de dirigeants décidée à lever l’intangibilité des frontières, car cela commence par cela, le panafricanisme.
5. SA : Nous quittons le champ de l’Union africaine pour parler de la politique togolaise. Est-ce que la Communauté internationale, – notamment la France et l’Allemagne – peut-intervenir pour permettre d’aller vers des élections démocratiques, transparentes au Togo? Est-ce que ces deux pays n’ont pas une politique ambiguë où d’une part, ils veulent chasser les immigrés africains et de l’autre, directement ou indirectement, contribuent à maintenir en place des régimes autocratiques et antidémocratiques qui empêchent la Diaspora africaine de rentrer en Afrique? Votre analyse ?
En principe, la loi la plus importante et sacrée de l’Union africaine est celle demandée par les Etats : à savoir la non-ingérence dans les affaires intérieures d’un pays. Donc, en principe, la France et l’Allemagne, ou l’Union européenne ou même les Etats-Unis ou d’autres ne doivent pas intervenir dans les affaires intérieures du Togo. Mais en politique internationale, ces pays ont besoin du soutien du Togo pour faire passer certaines de leurs politiques intérieures. Par exemple, le Japon a besoin actuellement du soutien du Togo et des pays africains pour emporter la tenue des jeux olympiques de 2020 au Japon… Le Togo demandera des contreparties pécuniaires, mais insistera aussi que le Japon respecte la non-ingérence dans les affaires intérieures. Si sur des sujets aussi légers que le sport, cela se pratique, vous comprendrez que sur des sujets hautement plus importants stratégiquement pour les pays occidentaux, ils finissent par accepter les distorsions anti-démocratiques aux institutions, les abus de droits humains, le non-respect de la transparence des comptes publics juste pour satisfaire leur demande immédiate. Le « deal » non écrit entre la France de François Hollande et Faure Gnassingbé au Togo s’est soldé par l’envoi de 500-700 soldats togolais sous commandements indirects français (pardon en formation) déjà au Togo pour aller soutenir le combat contre le terrorisme des narcotrafiquants islamiques dans le Sahel et au Nord du Mali… C’est cela, le donnant-donnant. Dans ce jeu, oui, la France peut expulser les étrangers africains indésirables ou qui ne sont pas en règle avec l’administration togolaise et jouer le statu quo en se cachant derrière des avis d’experts européens qui acceptent le principe de la contrevérité des urnes dans les pays dont les dirigeants acceptent de se plier aux dictats des pays qui financent son budget, fermant les yeux au passage sur la corruption des comptes de l’Etat. Oui, on peut dire aujourd’hui que ce que j’appelle la neutralité coupable n’est rien d’autre qu’une politique du deux poids, deux mesures qui contribue à maintenir en place des régimes autocratiques et antidémocratiques qui empêchent la Diaspora africaine de s’impliquer pleinement dans le développement de son pays d’origine en Afrique. La Diaspora africaine n’est pas empêchée de rentrer, sauf exception. Elle est souvent, forcée de rejoindre le rang des pratiques peu éthiques qui font perdurer les pays, et donc l’Union africaine dans une stagnation inquiétante, tout en se gargarisant de superlatifs des succès des pères fondateurs… La communauté internationale peut intervenir en faisant des pressions sur les dirigeants togolais mais pour le moment, il faut bien constater que le Togo est une zone considérée comme en basse tension, donc non prioritaire pour les pays comme la France, l’Allemagne, l’Union européenne dans son ensemble et les Etats-Unis. Donc chacun s’accommode du statu quo.
6. SA : Selon vous, à quand et comment trouver la voie de la rupture, celle qui mènera les jeunes générations africaines au droit inaliénable de tous les peuples, c’est-à-dire l’autodétermination ?
Il me semble que vous avez une image tronquée de la réalité africaine. Il n’y a pas en soi une rupture à organiser mais plutôt une éthique du respect de l’autre et du partage équitable à retrouver, surtout au niveau des élites dirigeantes. Ceci n’est pas possible sans retrouver les chemins de la vérité des urnes. Cette culture du « Ubuntu » bien africaine a été perdue et la colonisation l’a remplacée par l’appât du gain et l’individualisme. En économie, cela s’est traduit par la priorité donnée aux actionnaires sur les travailleurs, la dérégulation et le dogme que la richesse des plus puissants va entraîner la richesse de tout le peuple. Quand le peuple aura compris qu’il s’agit d’un dogme, ce peuple soit ne votera plus pour des usurpateurs des élections, soit les chassera du pouvoir. A ce sujet, il convient de rappeler que l’Union africaine n’est pas une institution démocratique et que les titulaires des postes ne sont pas nommés suite à un suffrage électoral où tous les africains y ceux de la Diaspora auront voté. Mais, c’est aller vers une Afrique fédérale et pour le moment, non seulement, la plupart des dirigeants autocrates le refusent, mais les pays occidentaux qui maintiennent la pression sur les ex-colonies ne veulent pas en entendre parler… Donc il faut croire qu’il faut donner le temps au temps, et laisser le peuple commencer à ne plus faire confiance aux instances africaines non démocratiques pour que la rupture dont vous parlez puisse voir le jour. A ce titre, il faut retrouver la confiance entre les dirigeants et le peuple-citoyen africain 4. Je vous remercie. YEA.
Notes:
- Amaïzo, Y. E. (2002) (Coord.). L’Afrique est-elle incapable de s’unir ? Lever l’intangibilité des frontières et opter pour un passeport commun, avec une préface de Joseph Ki-Zerbo. Editions l’Harmattan : Paris. 664 pages, voir www.chapitre.com ↩
- Rédaction (2013). « Le Brésil annule 900 millions de dollars de dettes des pays africains ». In aued.info, accédé le 1er juin 2013, voir http://www.aeud.fr/Le-Bresil-annule-900-millions-de.html ↩
- Amaïzo, Y. E. (2008) (Dir.). La neutralité coupable : L’autocensure des Africains. Un frein aux alternatives ? Avec une préface d’Abel Goumba, et une postface de Têtêvi Godwin Tété-Adjalogo, Editions Menaibuc: Paris. 446 pages, voir www.menaibuc.com et www.chapitre.com ↩
- Amaïzo, Y. E. (2005) (Dir.). L’Union africaine freine-t-elle l’unité des Africains : Retrouver la confiance entre les dirigeants et le peuple-citoyen, avec une préface d’Aminata Traoré. Editions Menaibuc: Paris. 390pages, voir www.menaibuc.com et www.chapitre.com ↩