Il faut d’abord féliciter le travail d’Achille Mbembe, un frère et ami intellectuel. A ce titre il importe néanmoins de rappeler quelques vérités enfouies qui n’apparaissent pas dans ce livre.
S’il faut faire le procès du capitalisme en rappelant les souffrances des peuples noirs tout au long de l’évolution et l’auto-capacité à la mutation du capitalisme, il n’est pas acceptable de taire, tant sur le plan historique que civilisationnel, l’importance « Nègre ». Le livre Critique de la raison nègre gagnerait à aller chercher dans l’histoire ancestrale africaine, et donc nécessairement négro-égyptienne, le sens profond de la « modernité ». Se laisser prendre au piège de ceux qui ont effacé le « Nègre » partout où c’est possible notamment dans la Bible afin de justifier l’usurpation du droit à l’antériorité du peuple noir dans l’histoire universelle relève d’un réductionnisme qu’il faudra corriger.
Après avoir effacé le mot, les êtres vivants sont difficiles à « effacer »… alors il fallait véhiculer une image négative et s’attacher les services de certains ecclésiastiques pour justifier l’esclavage, la colonisation, la post-colonisation et l’alignement sur les valeurs de l’usurpation des biens d’autrui. C’est la période du « Nègre » sans âme, donc animal, donc corvéable à merci. L’image négative ou de la frivolité faisait office de marketing.
Il faut donc retourner au concept de KMT traduit parfois par KEM, KAM, etc. source de perfection et d’harmonie qui fonde l’identité collective des peuples noirs. Un livre collectif est en préparation (sortie 2015) qui permettra de rappeler quelques vérités enfouies sur les concepts de « Négritude et Kamitude ».
La sémantique prend toute son importance puisqu’elle permet la falsification, voire de l’auto-condamnation des Noirs par leur propre frère, ce qui permet de justifier la mission d’agression permanente et récurrente incombant à d’autres peuples non kamites.
Il importe de faire des rappels dans l’histoire en remontant environ à -3500 ans avant notre ère dit « avant Jésus-Christ ». Le continent africain a été le creuset originel de l’être humain au cours des périodes paléolithique et néolithique, bien avant le 4e millénaire avec une montée en puissance du leadership africain pendant les « quelque 3 000 premiers siècles de l’histoire humaine » (Joseph Ki-Zerbo, 1978). Une fin doit être mise aux thèses négrophobes créant des mythes ou falsifiant l’histoire avec des nuances subtiles et permettant à des autorités officielles eurocentriques de continuer à faire un discours officiel sur la Terre africaine pour promouvoir, non sans mépris, l’atonie historique des peuples africains et de l’individu noir en particulier. Les vérités enfouies doivent émerger car l’influence du monde par les Noirs date des origines. Cette influence de la puissance a apporté la paix au moins entre la 1e et 4e dynasties.
Il est donc conseillé de relire Cheik Anta Diop « antériorité des civilisations nègres : mythe ou réalité historique » qui était qu’un précurseur en matière de vérité historique. Il rappelait d’ailleurs que « La royauté nubienne est antérieure à celle de la Haute-Egypte et lui a donné naissance » (Diop, 1981 : p. 15).
KMT et ses dérivés scripturaux signifient homme noir ou femme noire, un nom collectif que le peuple noir de Nubie a choisi pour se désigner il y a -3100 ans avant notre ère. KMT est devenu progressivement tant le nom de tout le peuple noir originaire de l’ancienne Egypte négro-pharaonique que la terre qu’habitait ce peuple. KMT signifie aussi le « fait d’être noir » et d’adhérer à des principes éthiques hérités du Dieu-Créateur valorisant la vérité, la justice, l’harmonie et la paix. Tout ceci n’avait rien à voir avec la couleur de la peau.
Le people KMT s’est lui-même décrit et a été décrit comme un peuple de Dieu qui vivait dans un espace géographique dénommé Kemet, Kemit ou Kamit (avec des variations multiples telles Khemet, Khemit, Khamit, etc.). Cela a conduit à une désignation singulière du peuple noir : les Kamites que certains ont vite faire de lier à la couleur du sable de couleur noire qui bordait le Nil, rappelant la couleur de peau des propriétaires des lieux.
Les amalgames entre les termes et les appellations ont conduit à ne considérer que la caractéristique « visible ». Il faut donc se poser la vraie question : est-ce que le peuple noir peut de lui-même réduire sa dimension « totale » héritée du Dieu créateur à une simple couleur de peau, que le capitalisme et ses agents ont vite fait d’adapter pour poursuivre leur dessein matérialiste ? Cette question mérite de faire partie du prochain livre d’Achille Mbembe qui a eu le mérite de rappeler les desseins sordides de ceux qui pourraient à terme ne plus être classés comme des « Humains », mais comme des barbares agresseurs permanents.
Yves Ekoué AMAÏZO
Directeur de Afrocentricity Think Tank
Groupe de réflexion d’action et d’influence.
www.afrocentricity.info
29 octobre 2013.
© Afrocentricity Think Tank, 29 octobre 2013.