Au lieu de faire l’audit de la marche forcée de l’Union européenne vers la création d’une masse critique à 27 nations et avec un Euro à 17 pays, de trop nombreux dirigeants européens ont longtemps cru que seule l’austérité pouvait mettre fin à la fausse efficacité des marchés. La main invisible des marchés est devenue tellement visible au plan social et de la création de chômeurs qu’il ne sera plus possible de parler de croissance économique sans mettre un holà à la dérégulation incontrôlée qui a servi de boussole à l’économie des pays riches depuis plus de 30 ans.
1. PAS DE CROISSANCE SANS LA FIN DE LA DEREGULATION
Au lieu de parler de protectionnisme, ce qui aurait été automatiquement sanctionné par l’Organisation mondiale du commerce (OMC), tous les Talibans de la globalisation ont cru que la « mondialisation » était synonyme de « dérégulation ». Mais prise dans le tournis des échanges mondiaux asymétriques, la dérégulation a finalement tué l’économie de proximité au profit de l’économie mondialisée. Il fallait donc promouvoir la « démondialisation ». Cela a plu à de nombreux électeurs ici et là et a permis un rééquilibrage des thèses des partis politiques considérant que les fruits de la croissance devaient profiter aussi, et peut-être d’abord, au travailleur et moins à l’actionnaire, surtout si ce dernier est un spéculateur.
Autrement dit, c’est le constat non-dit qu’une certaine dictature des marchés financiers asphyxie les Etats européens et, par ricochets, les populations. Lorsque les acteurs du marché, notamment ceux du secteur privé, obtiennent des crédits de la Banque centrale européenne (BCE) à des taux préférentiels et les rétrocèdent aux Etats avec une sacrée marge et que les banques centrales nationales, complétement neutralisées, ont vu leur pouvoir passer au niveau de la BCE qui refuse de soutenir directement les Etats pour garder son indépendance, le citoyen estime qu’il est doublement trompé. Il y a là une question politique. L’interventionnisme de l’Etat au niveau européen n’est plus une hypothèse d’école même si personne ne veut remettre en cause l’indépendance de la Banque centrale européenne.
La crise de solvabilité de la zone Euro, et plus particulièrement de pays comme la Grèce, l’Espagne ou le Portugal, pourrait conduire à un électrochoc faisant sauter le statu quo actuel. La croissance économique prônée par le nouveau Président français, François Hollande, pourrait aussi signifier qu’il n’y a aucune « fatalité » à ne pas toucher au traité constitutionnel européen. Une annexe juridique au traité avec une revalorisation de la croissance économique au service de la justice et du social ainsi que des possibilités de remboursement des dettes des Etats sur des délais raisonnables, à moyen et long terme, avec le concours d’autres acteurs que l’Union européenne et le FMI pourraient grandement arranger autant les créanciers que les pays en voie de défaillance au sein de l’Union européenne.
En fait, la souveraineté démocratique des pays européens pris individuellement ne peut passer par pertes et profits uniquement parce que certains pays européens disposant d’une notation AAA décident de résoudre le problème d’un autre pays européen en défaillance selon un point de vue réductionniste. Autrement dit, la méthode allemande, malgré des résultats probants au plan national (exportation excédentaire, restriction budgétaire et austérité, maîtrise salariale avant relance par la consommation et revalorisation du salaire), n’est pas la solution pour les pays qui ne disposent pas d’une capacité d’exportation de biens à valeur ajoutée. Les solutions qui doivent se faire uniquement au sein de l’Union européenne et avec l’appui du Fonds monétaire international ne sont plus tenables. Le mécanisme européen de stabilité a montré ses limites dès lors que l’on commence à citer d’autres pays européens que la Grèce, eux aussi en défaillance économique avancée. C’est donc bien le capitalisme qui n’a pas fonctionné dans ces pays au point de faire croire à une dérégulation du capitalisme.
2. LA DEREGULATION DU CAPITALISME : IMPLIQUER LES AFRICAINS ?
Quand on définit la déglobalisation comme un processus de baisse continue de l’interdépendance et de l’intégration des économies entre elles, il est difficile d’imaginer que les tenants du capitalisme financier, lesquels ne cessent de prôner l’intégration des marchés et des économies, se mettent à faire un virage à 180 degrés. D’ailleurs, cela ne se décrète pas. Les politiques économiques sont devenues beaucoup trop dépendantes du secteur privé mondial, notamment des acteurs des marchés financiers comme des entreprises transnationales. Le capitalisme connaît donc bien une crise car l’Etat se fait « réguler » par le marché, alors que c’est le contraire qui doit prévaloir.
Le grand dogme consistant à maximiser la valeur de l’actionnaire improprement appelé « retour sur investissement » aux dépens de la rétribution à sa juste valeur du travail est en crise. Les variables d’ajustement que pouvaient être les inégalités dans le système fiscal ou les systèmes sociaux aux dépens des travailleurs touchent à leurs limites. Aujourd’hui, le changement consiste à inverser les choses. La pression sur les Etats pour répondre aux désidératas des marchés, notamment le secteur financier et les banques d’investissement spécialisées dans la spéculation, ne fait plus peur aux gouvernements courageux. De nouveaux dirigeants européens sont en train d’émerger forts des soutiens des alternatives prônées par une société civile qui ne désarme pas. Ces nouveaux dirigeants sont prêts à promouvoir les valeurs (justice, meilleure répartition) et donner un sens à l’économie au service de l’humain.
La déglobalisation peut alors devenir synonyme de démondialisation compris comme une organisation alternative de l’économie mondiale, ce qui n’exclut nullement l’augmentation des interdépendances mais celles-ci ne doivent plus être sous les fourches caudines d’un marché financier qui tue la production et l’emploi, et donc le social. Ce n’est plus tant le rentier qui est contesté mais le spéculateur. Quand ce spéculateur devient la structure commune d’intermédiation constituée par la finance mondiale et les institutions financières qui prônent la dérégulation pour faire de l’argent sans en avoir et se faire payer leurs mauvaises gestion et dettes par les contribuables, alors oui, ce capitalisme-là n’est plus régulé. Il est en crise. Il devient même un danger pour l’avenir de la société. Chacun s’accorde que ce n’est ni le G8, ni le G20 qui représentent les pauvres. Pour œuvrer pour une meilleure régulation mondiale, il faut que les pays africains y soient réellement représentés en tant que pays acteurs et non comme de simples « invités » et « observateurs ».
En filigrane, il s’agit bien d’offrir une nouvelle architecture plurielle du système économique mondial au service des humains. Mais sans la voix « collective » des Africains, il faut croire que la démondialisation ou la déglobalisation au sens d’une approche alternative, pourrait n’être qu’un slogan qui se fait contre les intérêts des peuples, africains en particulier. Ceci est d’autant plus évident dès lors que les dirigeants africains peinent à proposer eux-mêmes des alternatives aux services de leur peuple. L’Union africaine qui peine toujours à trouver un consensus sur son prochain Président de la Commission devrait peut-être aller chercher les solutions en dehors des acteurs politiques. La société civile et la diaspora africaines offrent des alternatives bien plus crédibles.
3. ECONOMIE AFRICAINE : RETOUR AUX VALEURS ANCESTRALES ET ETHIQUES ?
Alors entre démondialisation et déglobalisation, les Africains doivent compter sur eux-mêmes et s’impliquer de plus en plus dans l’économie de proximité. L’Etat africain, s’il est sérieux, peut alors organiser la régulation en allant puiser dans les valeurs ancestrales, tout en fondant sa gestion sur l’éthique. Que de conditionnalités nouvelles, selon certains conservateurs africains ! YEA.